C’est le membre le plus célèbre de la compagnie des guides de Chamonix, à qui l’on doit notamment la première ascension, en solitaire en dix heures, de la face Nord de l’Eiger ou encore la très médiatique hivernale des trois grandes faces nord des Alpes (Grandes Jorasses, Eiger, Cervin) en 40 heures, avec assistance. Légende vivante de l’alpinisme, Christophe Profit comparaît ce jeudi 20 avril devant le tribunal correctionnel de Bonneville pour « vol » de pieux d’amarrage sur la voie normale d’accès du Mont-Blanc, en juin 2022. Un procès qui va opposer deux approches de la montagne. Celle défendue par l’alpiniste, « by fair means », contre une autre, plus sécuritaire, portée par le maire de Saint-Gervais, Jean-Marc Peillex. Explications.
Le jugement en délibéré jusqu’au 5 juin prochain
Suite à la comparution de Christophe Profit jeudi 20 avril, le ministère public a requis 4 000 euros d’amende, dont 3 000 assortis d’un sursis. Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 5 juin prochain.
Juin 2022. Après avoir prévenu le PGHM, Christophe Profit ôte deux des quatre pieux visant à sécuriser l’ascension de l’arête des Bosses, dernière ligne droite dans l’ascension du mont Blanc par la voie normale, alors qu’une crevasse importante s’est formée au milieu de l’itinéraire en début d’année. Ces derniers ont été installés quelques jours plus tôt par la compagnie des guides de Saint-Gervais sur une idée du maire, Jean-Marc Peillex.
Et l’alpiniste n’a pas prévu de s’arrêter là. Il compte revenir avec une disqueuse pour finir le travail. Cet ancien membre du GMHM (Groupe Militaire de Haute Montagne), qui s’est fait connaître en 1982 par son ascension en solitaire d’une paroi de 900 mètres sur la face ouest des Drus, dans le massif du Mont-Blanc, entend défendre l’alpinisme, exempt, à l’origine, de toute intervention humaine. Selon lui, ces pieux, visant à contourner la crevasse par la droite, sont une atteinte à ce qui caractérise cette pratique telle qu’elle a été inscrite trois ans plus tôt, en 2019, au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Autre argument : le passage de gauche, utilisé par de nombreux ascensionnistes depuis le printemps, est parfaitement praticable. Inutile donc d’équiper des amarrages sur la voie.
L’acte militant fait grand bruit au sein de la communauté de l’alpinisme. Sans doute parce qu’il ouvre la porte à un débat de fond. Faut-il équiper la montagne ? Si oui, à quel point ?
Deux approches de la montagne aux antipodes
Après l’action de Christophe Profit, le maire de Saint-Gervais, Jean-Marc Peillex, invoque la sécurité en montagne, les pieux ayant l’objectif de rendre plus sûr un passage sur l’une des deux voies qui contourne une crevasse sur l’arête des Bosses. C’est pourquoi il dépose deux plaintes. La première pour « mise en danger de la vie d’autrui », par la suite jugée sans fondement par le parquet de Bonneville. La seconde pour « vol ».
En vue d’éviter un procès pénal, un règlement à l’amiable est proposé à Christophe Profit. Mais l’alpiniste, qui défend bec et ongles une approche de l’alpinisme « by fair means », refuse de reconnaître les faits reprochés. L’affaire des pieux se terminera donc devant le tribunal correctionnel de Bonneville. Jeudi 20 avril 2023, Christophe Profit va comparaître pour vol lors d’une audience, à juge unique, qui opposera donc deux visions de la montagne.
Photo d'en-tête : Andrzej Ruta- Thèmes :
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