Après 107 jours passés en mer en solitaire, sans assistance, Guirec Soudée arrive enfin au large des côtes bretonnes ! Ce matin, à 10h50, le navigateur et rameur de 29 ans était au large de l’île d’Ouessant. Il devrait arriver à bon port à Brest ce vendredi 1er octobre, vers 14h. Même s’il n’est pas le premier à traverser l’Atlantique à la rame en autonomie, son aventure reste pour le moins unique. Retour sur les moments forts de son expédition, qui a de nombreuses fois tourné au cauchemar.
Traverser l’Atlantique en solitaire et sans assistance a été un fantasme pour bien des rameurs. Le Britannique Tom McClean a été le premier à parcourir cet océan à la rame, de Terre-Neuve jusqu’en Irlande en 1969 – un périple de 71 jours. Soit une trentaine de jours de moins que Guirec Soudée, parti en mer le 15 juin dernier. Mais le Breton a dû faire route « à l’aveugle », après avoir bravé tempêtes et vents contraires.Tout comme son modèle, Gérard d’Aboville, qui, 40 ans plus tôt, avait relié à la rame et en solitaire, le Massachusetts, aux Etats-Unis, à Brest, en 71 jours et 23 heures. A l’époque, le navigateur n’était équipé, lui aussi, que d’une carte et d’un compas.
Qui est Guirec Soudée ?
L’aventurier breton, originaire de Plougrescant dans les Côtes d’Armor, n’en est pas à sa première expédition. Peut-être le connaissez-vous plutôt accompagné de sa fameuse poule « Monique », avec laquelle il avait fait le tour du monde à la voile pendant 5 ans en se donnant l’objectif de passer par les pôles. À 22 ans, il s’était alors lancé dans cette aventure en solitaire, traversant d’abord l’Atlantique sans moyen de communication et en totale autonomie. Un an plus tard, il avait hiverné 130 jours sans assistance au milieu des glaces du Groenland – où il avait volontairement coupé contact avec tout le monde – avant de devenir à 24 ans le plus jeune navigateur du monde à traverser le Périlleux Passage du Nord Ouest en solitaire. Son voyage s’achève en 2018, après avoir franchi le Cap Horn, fait escale en Antarctique, et être passé par l’Afrique du Sud, le Brésil, la Guyane, les Caraïbes et les Açores. De quoi publier trois livres, produire un documentaire, et animer de nombreuses conférences ensuite.
Quel était son projet à la rame ?
En février dernier, Guirec Soudée s’était lancé dans un premier voyage à la rame entre les Caranies et Saint-Barthélémy, bouclé en 74 jours, avant d’engager son retour en juin, entre le Massachusetts et Brest. Après avoir fait ses preuves à bord d’un voilier, le jeune Breton a cette fois-ci choisi un bateau de 8 mètres de long pour 1,6 mètre de large, à faire avancer à la seule force des bras, au gré du vent et des marées. Sur le papier, 5000 km devaient être parcourus par le rameur. Mais dans les faits, entre les nombreux revirements de situation et dérive à cause des conditions météorologiques, la distance sera à revoir à la hausse une fois toutes les données récoltées. Malgré de nombreuses péripéties, Guirec clôture son périple en ce moment même, après 107 jours, seul en mer.
Pourquoi son expédition est-elle unique ?
Le 3 juillet, quelques jours après son départ des États-Unis, Guirec est frappé de plein fouet par une tempête avec des pointes de vent allant jusque 60 noeuds (environ 110 km/h). Depuis, aucun signal de son téléphone satellite, ni de son tracker. De nombreuses hypothèses traversaient la tête de son équipe, restée à terre depuis la Bretagne, qui s’inquiétait de ne plus recevoir de nouvelles de lui. Était-ce lui, ou son équipement qui était accidenté ? On apprendra plus tard que la tempête avait retourné son bateau, et inondé l’intérieur par l’un des hublots. Il aura néanmoins fallu attendre 24 heures pour qu’un cargo panaméen, spécialement détourné pour tenter de le retrouver, parvienne à transmettre un message de la part de Guirec à ses proches : « Je suis sain et sauf », avait-il alors affirmé par radio VHF au navire, confirmant son souhait de poursuivre l’aventure « à l’aveugle » – c’est à dire privé de GPS, de téléphone satellite, et donc de données météo.
Comment son équipe a réussi à suivre sa trajectoire ?
Son tracker étant hors-service, difficile de suivre à la trace la progression du rameur. En effet, le tracker que l’on pouvait suivre sur la page web de l’aventure dépendait du téléphone satellite : « c’est ce téléphone qui envoie un mail à un serveur et qui transmet la position sur la carte », nous expliquait Alice Claeyssens, membre de l’équipe du marin et chargée de la logistique de l’aventure, en juillet dernier. Pendant des semaines, le seul moyen de suivre la trajectoire de Guirec dépendait des bateaux qui passaient à proximité de sa petite embarcation, auxquels il transmettait des messages par radio VHF, relayés ensuite par solidarité entre marins à son équipe en Bretagne.
Dans quel état est-t-il aujourd’hui ?
Tout au long de sa traversée, Guirec Soudée n’a cessé de répéter aux navires sur son chemin qu’il allait bien, et ne comptait à aucun moment abandonner son aventure. Un état d’esprit raconté par sa coéquipière restée à terre, Claire Claeyssens, qui malgré les angoisses provoquées par son silence radio, a respecté sa volonté de ne pas enclencher de mission de sauvetage. « Psychologiquement, il a un sang froid qu’on ne peut même pas imaginer. Il ne connait pas la peur panique. Quand ça se corse, c’est là où ses sens sont les plus affutés. Il sait que lorsqu’il part pour ce genre d’aventure, ce n’est pas pour que ce soit un long fleuve tranquille. Mais nous, depuis la terre, on s’inquiète. Car vu ce qu’il a déjà traversé, on se dit qu’il doit être complètement épuisé. Quand je l’ai eu au téléphone après cette période de rame intense (en juillet, ndlr), il souffrait énormément quand il se mettait à son poste de rame, il n’arrivait même plus à fermer les mains, il était endolori de partout. Mais il disait qu’une fois qu’il était lancé, c’est comme si son corps était détaché de tout le reste et qu’il n’allait jamais s’épuiser », expliquait-elle en juillet.
Guirec Soudée n’est certes pas le premier, ni le dernier à traverser l’Atlantique à la rame. Mais les conditions de son périple et sa résilience font de cette aventure une performance admirable, qui ne remet nullement en doute son statut d’aventurier. Rendez-vous à 14 heures environ à Brest pour assister à son arrivée, accompagnée d’un équipage de la SNSM pour l’aider à le récupérer. Guirec devrait alors enfin poser les pieds sur terre vers 15 heures, après 107 jours de navigation. Respect !
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Photo d'en-tête : @guirecsoudeeadventure- Thèmes :
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