C’est ensemble, aujourd’hui samedi 16 janvier, vers 17h, heure locale, que les 10 alpinistes népalais menés par Nims Dai et Mingma Gyalje Sherpa sont arrivés au sommet du K2 (8.611 m). Deuxième plus haut sommet du monde, situé dans la chaine des Karakoram, au Pakistan, il restait le seul 8.000 m à n’avoir jamais été gravi en hiver. Autant dire le défi ultime pour les alpinistes. L’exploit est désormais accompli. Il s’inscrit dans l’histoire comme la revanche des Népalais, et tout particulièrement des Sherpas, longtemps restés dans l’ombre des himalayistes occidentaux.
L’équipe avait prévu de « s’arrêter à 10 m en-dessous du sommet, de former un groupe (les 10 grimpeurs) et de se réunir au sommet ensemble », écrivait ce matin sur Facebook, Chhang Dawa Sherpa, frère de Mingma Gyalje Sherpa, alpiniste népalais hors pair, fondateur de l’agence de trekking népalaise Seven Summits Treks, arrivé ce matin au sommet du deuxième sommet du monde aux côté du Népalais Nims Dai. Avec eux, Dawa Tenzin Sherpa et Kili Pemba Sherpa de Seven Summit Treks et Mingma David, Dawa Temba Sherpa, Pemchhiri Sherpa, Gelje Sherpa, Mingma Tenzi Sherpa et Sandro Gromen-Hayes, les six compagnons de Nims. Soit une équipe 100% népalaise, tous Sherpas, à l’exception de Nims Dai, ex Gurkha, ex membre des forces spéciales britanniques qui nous avait déjà étonné en novembre dernier en réalisant l’ incroyable enchainement des 14 sommets de plus de 8000 m en moins de sept mois,
16 Jan 2021 🇳🇵🏔🇵🇰 WE DID IT, BELIVE ME WE DID IT- JOURNEY TO THE SUMMIT NEVER DONE BEFORE 🦾The Karakorum’s ‘Savage…
Publiée par Chhang Dawa Sherpa sur Samedi 16 janvier 2021
La revanche des Sherpas
« Le K2 est le dernier 8000 qui n’a pas été escaladé en hiver (…) c’est donc l’occasion pour les Sherpas de démontrer leur force », expliquait en novembre dernier Mingma Gyalje Sherpa, alias Mingma G, interviewé par l’himalayiste américain Alan Arnette . « Tous les alpinistes sont assistés par des Sherpas pour réaliser leurs rêves : atteindre un sommet de 8000 m. J’ai aidé plusieurs étrangers à y parvenir. Et j’ai été un peu surpris de ne voir aucun Sherpa lors des premières hivernales. Cette ascension est donc dédiée à toute la communauté des porteurs népalais connus aujourd’hui grâce à nos amis et clients de différents pays étrangers ». On assiste donc aujourd’hui non à la victoire d’un homme, comme cela a été le cas pour bien des sommets, mais à celle d’une communauté, la communauté népalaise, comme n’ont cessé de le rappeler dans leurs posts Mingma G. comme Nims Dai, pourtant généralement peu enclin à rester dans l’ombre. Car c’est ensemble que les dix Népalais ont établi leur stratégie et équipé la voie qui les a conduits au sommet ce matin.
On ne peut que leur rendre hommage et saluer leur courage et leur sens de la solidarité sur une des ascensions les plus meurtrières au monde, considérée par les experts comme bien plus difficile que celle de l’Everest, et tout particulièrement en hiver où les températures dans la zone tombent facilement à moins 50 °C et les vents peuvent souffler à plus de 200 km/h.
Malgré de nombreuses tentatives, à ce jour aucun alpiniste n’avait réussi à gravir ce sommet pakistanais en cette saison. A noter que Mingma Gyalje Sherpa serait le seul l’avoir atteint sans assistance d’oxygène.
Cette année encore, l’hiver y est effectivement rude, et la concurrence exceptionnelle, avec quatre équipes en lice. Depuis décembre se trouve donc l’expédition 100% Sherpa de Mingma Gyalje Sherpa. A 42 ans, il est le premier Népalais à avoir réussi l’ascension des 14 sommets de plus 8000 mètres. Chef d’expédition très expérimenté, il a notamment gravi cinq fois l’Everest (8848 m) et deux fois le K2 (8611 m), en été. A ses côtés, deux alpinistes népalais également très solides, Dawa Tenzin Sherpa et Kili Pemba Sherpa. Le premier compte 33 participations à des expéditions vers des sommets de plus de 8000 m, dont onze ascensions de l’Everest. Quant au deuxième, né à 4200 mètres d’altitude, il peut se prévaloir d’avoir gravi neuf fois l’Everest, deux fois le Cho-Oyu et trois fois le Lhotse, pour ne citer que ces montagnes. Et, point capital, il a déjà une expérience des ascensions hivernales, acquise lors de sa tentative de la face sud du Lhotse, en 2004/2005 et surtout lors de l’expédition précédente de Mingma Gyalje Sherpa sur le K2 à l’hiver dernier, ce qui lui conférait un avantage certain. Pour ces deux Népalais, c’était en effet la deuxième tentative de l’ascension du K2 en hiver.
Une équipe 100% sherpa, légère, expérimentée, très soudée donc qui a su conjuguer ses compétences avec celle du Népalais Nims Dai et de ses six compagnons Sherpas.
Assurer le retour vers le camp de base
Ne « reste plus » maintenant aux dix Népalais qu’à réussir la descente vers le camp de base. Et ce n’est pas la moindre affaire. Car si les alpinistes ont su profiter de la fenêtre de beau temps qui s’est ouverte depuis vendredi. Les vents devraient monter en puissance aujourd’hui samedi, et on annonce des rafales de 70 à 85 km/h pour dimanche. Dès lundi, il faut s’attendre à des pointes de 95 km/h. Si les conditions sont réunies, Nims Dai pourrait peut-être encore nous surprendre en tentant un vol en parapente depuis le sommet. Hypothèse qui n’est pas à écarter, surtout si l’ex Gurkha est monté avec assistance en oxygène, comme cela semble être le cas. On sait qu’en juillet dernier, Nims Dai, interviewé à Chamonix par Outside alors qu’il s’entraînait au parapente, annonçait sa ferme intention de décoller ainsi depuis un 8000 m. Un exploit « chaud, super engagé », selon Bertrand Roche, alias Zeb, l’un des plus grands parapentistes actuels, mais qui ne lui semblait pas impossible. « La détermination compte aussi beaucoup », nous rappelait-il alors : « Jean-Marc Boivin par exemple, le premier à décoller depuis l’Everest, n’avait pas une technique extraordinaire mais il a réussi. Alors, je me dis que sur un coup de chance, ça peut marcher pour Nims. (…) Et j’ai l’impression que ce grimpeur se sent béni des dieux et ne craint rien ! Donc si c’est le cas et que les conditions sont parfaites, alors il peut réussir. »
A l’heure où nous bouclons cet article, deux autres équipes sont toujours en cours d’ascension, celle de l’Islandais John Snorri Sigurjonsson, alpiniste comptant déjà quatre sommets de plus de 8000 m dans son CV et celle de l’agence « Seven Summits Treks », conduite par l’Espagnol Sergi Mingote dans laquelle se trouve notamment l’alpiniste Tamara Lunger, également très expérimentée, une des rares cet hiver à annoncer grimper sans oxygène.