Un tapis oriental à pompons survole la vallée de la Maurienne. Sur son dos, une frêle silhouette tenant fermement des deux mains la petite pièce de tissu. En fond sonore, la musique du film d’animation de Disney : « Aladdin ». L’illusion est complète, le vol surréaliste. Une scène magique captée dans un plan-séquence à couper le souffle. Tournée il y a un an, elle vient d’être mise en ligne. En quelques jours elle a enflammé le Web. De quoi projeter sur le devant de la scène Alladin Skylab, un wingsuiter cumulant les talents comme les pseudos. Formé à l’école des Flying Frenchies, l’Isérois de 44 ans adepte du minimalisme ne cherche pourtant pas la lumière, mais le plaisir, la poésie et l’expérience.
Un rêve d’enfant. C’est ce que Freddy M. – ou plutôt « Alladin Skylab » comme il se prénomme sur Instagram et Youtube – s’est offert il y a un an : sauter en base jump et voler pendant plus d’une minute en mode wingsuit avec… une simple carpette dénichée sur Le Bon Coin, transfigurée le temps du vol en un tapis volant. « Bienvenue à bord du véritable tapis volant d’Aladdin, et de ce qu’aurait pu être le point de vue de Jasmine ou d’Abu le singe ». écrit-il sur sur Instagram en commentaire de la vidéo filmée grâce à un drone, qu’il a postée il y a quelques jours.
Pour cette aventure, qui s’ajoute à une longue série d’expériences audacieuses accumulées en plus de 20 ans de vol, le wingsuiter s’est jeté depuis le sommet de la Croix des Têtes (2491 m) dans la vallée de la Maurienne. « J’aime bien me confronter à ce genre de rêve universel, à faire de la poésie surréaliste, et pas seulement à me cantonner à de petits exploits sportifs », explique-t-il au « Parisien ». « Le matériel actuel est ultra-technologique. J’ai voulu revenir à l’essence de la discipline, voir si on ne pouvait pas planer avec des choses beaucoup plus basiques, voire avec du matériel qui existe depuis des millénaires ».
Un cutter, deux trous pour coincer les pieds dans le tapis, il ne lui en fallait pas plus pour bricoler son tapis volant. Mais au-delà des images, sidérantes, c’est l’aboutissement de deux décennies de vols et de sauts déclinés sous tous les modes que l’on retiendra. « J’ai volé en parapente, en ULM, en avion, en deltaplane, en combinaison… Puis j’ai décidé de revenir aux sources et d’explorer une nouvelle branche ! », écrit-il sur Instagram.
« Rêvez grand, changez de point de vue, réalisez l’impossible »
Son objectif ? Il l’explique dans un post accompagnant la vidéo de son exploit curieusement mise en ligne il y a quelques jours seulement. « Chasser et matérialiser certains des rêves humains de vol et de lévitation, soit avec des percussions et des cordes, soit avec des machines volantes. Après un an de tests de base jumping avec de nombreuses combinaisons et vêtements minimalistes, il m’a fallu encore quelques mois de tests et d’essais pour réussir à domestiquer et à chevaucher ce tapis. Après une bonne quarantaine de sauts d’entraînement, celui-ci, avec un tapis, en est le chef-d’œuvre. D’autres réalisations ont été faites depuis. D’autres suivront bientôt ! Ouvrez votre esprit, rêvez grand, changez de point de vue, réalisez l’impossible, modifiez la réalité, engrangez des informations, interrogez la vérité, guérissez le monde, rendez-le meilleur… Ce n’est que le monde matériel, volez et voyagez dans les rêves, dans les autres dimensions, c’est ouvert à tous. À vous de changer les choses ».
Un discours qui n’étonnera pas ceux qui connaissent bien Freddy M, pseudo de Freddy Montigny, qui se définit sur les réseaux comme un « artiste », amateur de « tapis volants et autres vêtements, bâches et peaux tendus par le corps et non gonflés », passionné de R&D sur les sauts à base minimale et de LowTech. Philosophe et chercheur, il joint depuis longtemps l’action à la parole. Membre des Flying Frenchies, ce wingsuiteur est aussi cordiste et batteur. Dans le Flying Frenchies band, il est connu sous le nom de « Freddy Drum’n Gong » car il aime emmener ses instruments au sommet des montagnes, expérimenter de nouveaux types de musiques, jazz, transe urbaine, rock, salsa, électro. Là aussi, les possibilités sont infinies. On l’a vu jouer sur des parapentes, sur une montgolfière et sur des highlines en falaise.
Et aussi, un saut avec des sacs poubelles
Éternel curieux, Freddy M vient de faire beaucoup de bruit avec son tapis d’Aladdin. Mais en fouillant un peu, ses followers découvriront que cette expérience, qui remonte déjà un an, a effectivement été suivie d’autres réalisations pour le moins étonnantes. Saut vers un lac avec un « sac à merde ». Ou encore saut en combinaison fabriquée avec des sacs poubelles. Une approche très minimaliste bien à l’image du personnage.
Après avoir testé de nombreux vêtements, des plus classiques aux plus incongrus sans parler de toutes les combinaisons de saut possibles et imaginables, Freddy M avait en effet atteint des limites. Aussi quand au cours d’une soirée une amie lui suggère de tester des prototypes en sacs poubelles, il saute sur l’occasion. « Elle n’avait pas réalisé à quel point elle avait raison ! », dit-il. « Et à quel point le travail est facile, comparé à la couture de tissus. Après un tas d’essais à la maison, il était temps de défier ce truc sur un grand saut. Succès total. J’ai vécu ça un peu comme un moment historique », conclut-il. La courte vidéo publiée également en juillet qu’il a tirée de l’expérience ne lui a valu jusqu’à présent que 294 vues. Nul doute que le nombre devrait grimper rapidement.
Photo d'en-tête : Aladdin Skylab