La Française de 34 ans ne fait que 1m60 pour 52 kg, mais les vagues XXL ne lui font pas peur. Au contraire, c’est là qu’elle est dans son élément et qu’elle cumule les records. Dernier en date, sur le spot de surf de Jaws, sur la côte Nord de l’île de Maui dans l’archipel de Hawaï : une vague de 40 pieds, soit 12,19 mètres. La plus haute jamais windsurfée par une femme, un exploit que vient de valider le Guinness Book des Records. Sidérant. Et plus encore quand on sait que Sarah, vice-championne du monde de Windsurf vagues 2023, ne s’est mise sérieusement à cette discipline très exigeante mais peu médiatisée qu’à 23 ans, lâchant sa carrière d’ingénieur pour sa passion
Il y a dix ans, elle était dans un bureau, devant un ordinateur, à programmer du code toute la journée en se disant que, peut-être, elle aurait assez de temps pour faire de la planche. Dix ans seulement qui semble une éternité. Plusieurs fois championne de windsurf sur le circuit américain IWT, Sarah Hauser cumule aujourd’hui plusieurs victoires prestigieuses sur l’île d’Hawaï où elle s’est est installée depuis 2013. Mais c’est en Nouvelle Calédonie où elle est née qu’elle a découvert l’océan et le windsurf. Une passion familiale, à laquelle son père l’initie très jeune.
Dans la famille, la planche, ce n’est pas un sport, mais un mode de vie, une culture, un environnement dans lequel elle baigne. Mais à 15 ans, un coach de l’école de voile l’emmène au récif et là, c’est le choc. Une autre dimension, des vagues de trois mètres de haut auxquelles elle devient accro très rapidement. Son rêve dès lors : devenir windsurfeuse pro. Un univers très masculin, peu connu du public et des sponsors : pas de quoi rassurer ses parents. Sarah deviendra ingénieur en informatique et mathématiques appliquées.
Cinq ans d’études, quelques stages, des jours passés devant son ordinateur, trop loin de l’océan. La vie n’est pas là, réalise très vite Sarah. Elle a alors 23 ans, quelques sous de côté. Elle prend un aller simple pour Hawaï pour le plaisir mais aussi pour prendre part à des compétitions. Un vrai défi. « Quitte à prendre un risque, j’ai choisi de le faire complètement, en essayant non seulement de faire carrière dans le windsurf mais, qui plus est, en faisant un truc que personne ne faisait », dira-t-elle plus tard.
Le shore de Maui n’a rien à avoir en effet avec celui de Nouvelle-Calédonie. Elle est une fille, d’apparence fragile, et pas une locale en plus. Mais jour après jour, elle se frotte à des vagues de plus en plus impressionnantes et dompte peu à peu sa peur, notamment grâce à la préparation mentale. Elle impressionne vite par son courage et sa constance, sa versatilité aussi, car si le windsurf est sa spécialité, elle assure autant en surf.
Reste que les débuts sont difficiles. Les sponsors sont rares, elle doit un temps ranger sa planche pour revenir à la programmation. Pas pour très longtemps quand même. En 2015 elle s’impose sur le tour. Trois ans seulement après son changement de vie, la Française est championne du monde de Windsurf vagues. Elle devient plus visible.
Un producteur américain en quête de figure exceptionnelle la repère en 2017. Il lui propose de réaliser un documentaire. Ce sera « Girl on Wave« . Deux ans de tournage qui vont lui permettre de se faire connaître de quelques sponsors et de continuer à vivre son rêve.
Bien décidée à rendre son sport plus visible, et plus attractif pour les filles, encore très peu nombreuses à s’y lancer, Sarah officialise un premier record en 2020 avec une vague de 36 pieds, soit 10.97 mètres. Quatre ans plus tard, le 22 janvier 2023 elle pousse la barre un peu plus haut, sur Jaws encore, et surfe un monstre de 40 pieds, 12,19 mètres. Record que vient tout juste d’homologuer à nouveau le Guiness des records. Une saison fructueuse donc pour la rideuse de 34 ans qui, ce week-end est montée sur la deuxième place du podium du PWA World tour lors de l’épreuve d’Omaezaki au Japon.
Reste qu’elle ne roule pas sur l’or et qu’en femme pragmatique elle a élargi ses compétences. Depuis quelques années, elle donne des cours de fitness avec des programmes spécifiques pour les sportifs de haut niveau qui, comme elles, pratiquent des sports de glisse. Un parcours qu’on devrait pouvoir suivre cette année dans un deuxième documentaire, « Girl on Wave II« . Un film qui, espère-t-elle, inspirera plus de femmes à se lancer dans le windsurf, et plus largement dans leur passion. Nul doute qu’à l’écouter parler, elle va créer des vocations.
Interrogée sur la peur en 2020, l’athlète répondait : « C’est un mélange de peur, de chaos mais aussi de beauté et de calme au moment où tu descends la vague. Tu rides un mur d’eau géant, translucide. Quand tu lèves les yeux pour essayer de voir l’horizon, tu vois juste de l’eau qui s’étend au-dessus de toi. À ce moment-là, j’ai l’impression de voir les choses sous un angle que peu de gens peuvent voir. Je peux aussi sentir, sous mes pieds, la puissance de cette vague qui déferle, qui se raidit. C’est ma curiosité pour ces sensations-là qui me poussent à continuer. »
Photo d'en-tête : Girl on Wave