Il y a de l’élégance britannique dans cette équipée de quatre jours sur les sentiers écossais en plein mois de novembre. Car forcément il fait un temps exécrable et le parcours repéré sur une antique carte se perd entre locks immenses et landes inondées, et l’on y marche parfois plus qu’on y roule, gravel sur l’épaule, mais le moral est intact et l’aventure totale car on y boit et on y mange fort, goûteux… et en bonne compagnie. Tout un art que Stefan Amato, David Sear et leurs quatre amis semblent avoir érigé en philosophie, comme on le découvre dans ce petit film de 17 minutes qui donne envie de monter en selle et de filer plein nord découvrir une somptueuse Ecosse figée sous la neige.
Il faut voir le plan où sont patiemment remplies les six gourdes de whisky pour saisir que cette virée en bikepacking sera imbibée. Mais pas que d’alcool, loin s’en faut. Car quand l’envie vous prend de partir en plein de novembre 2019 sur les sentiers écossais sur les traces des bergers, mieux vaut savoir que ça ne va pas être simple au niveau météo, entre autres, comme l’explique Stefan Amato qui avec David Sear et quatre autres potes a eu cette idée pas franchement séduisante de prime abord. Mais pour Stephan, c’est justement parce qu’il n’y aucune garantie que le beau temps ni le gite soient une évidence que l’aventure s’annonce pimentée et très très humide. D’où le titre du film qu’il en a tiré «Rainspotting » (littéralement « observer la pluie », allusion au film « Trainspotting » bien sûr). Pour lui, c’est le deuxième film en collaboration avec Brother Cycles, après « Beulah », sorti en 2016, qui là aussi l’avait mené sur les routes d’Ecosse.
Leur but ? Suivre les anciennes routes des bergers écossais
Avec ce nouveau court métrage remarquablement bien réalisé par Luke Francis, il retrace leurs 84 heures de randonnée hivernale à vélo à travers les lugubres Grampians d’Écosse, une région reculée des Central Highlands. « Attendez-vous à des trains de nuit, de la neige, de la pluie, des montagnes magiques, du gravel, des scinques cullen, des cranachans (deux savoureux plat locaux, ndlr), des tourbières, des ponts »… et souvent pas de ponts du tout pouvons-nous ajouter : donc les pieds dans l’eau, la tête sous la pluie et le gravel sur l’épaule. Une virée à six (dont une fille), riche en galères, qui en fait n’était qu’une mise en jambe pour tester certaines options d’itinéraire pour leur nouveau circuit de cyclotourisme Highland Drover, mettre à l’épreuve le nouveau vélo tout-terrain/gravel Mehteh de Brother Cycles et réaliser un film au passage.
Partis fin novembre de Londres, ils sont donc six, frigorifiés, à descendre du train couchette à Corrour 408 mètres d’altitude – la gare la plus haute et la plus isolée de la West Highland Line. Leur but ? Suivre les anciennes routes nord-sud relevées sur une carte et, dans le pur style des conducteurs de bétail, explorer tout ce qui tombera sous leurs roues.
« Il n’y a pas de routes ici, juste un point sur la carte – « le bouton sur les fesses de l’univers » – perdu dans une mer de détours, de chemins en pointillés et de sentiers passant par des propriétés privées qui, pour nous, comprenaient The Road to the Isles – une vieille route de Drove Road que nous allions suivre vers le sud, sans beaucoup de certitudes, si ce n’est que la nuit tombe à 5 heures en cette période l’année et que trouver où se poser au chaud et se ravitailler n’est pas garantie », raconte Stefan Amato.
Maqueraux sauce cheddar et « tiramisu » au Whisky
« Mais s’occuper de l’organisation fait partie intégrante du plaisir du bikepacking » poursuit-il. « Itinéraire, options de secours et raccourcis, abris d’urgence, plans B et anticipation des repas. Il s’agit de transporter tout ce dont on a besoin pour de longues journées loin de tout. Mais nous y étions habitués, heureux de remplir nos sacs de flocons d’avoine et de Nutella, de maquereau et de persil, de gnocchi et de pesto, de café, de single-malt et de quelques paquets de repas déshydratés au cas où seulement. Pour ce voyage, j’avais opté pour des plats comme le traditionnel cullen skink écossais (Recette Bikepacking : maquereau fumé, oignons, lait en poudre, poivre et sel, maïs doux, chou frisé, feuilles de laurier, persil, cheddar, petits pains…). Les stovies ( plat à base de pommes de terre) et le cranachan (sorte de tiramisu écossais. Recette de randonnée à vélo : flocons d’avoine, crème fouettée en conserve, whisky, fruits des bois, cerises confites), tirés d’un vieux livre de cuisine des Highlands. Tout en notant les ingrédients dans mon carnet de voyage… », je visualisais l’endroit où nous pourrions cuisiner chaque plat tous ensemble… ».
Comme pour tous les trips qu’il organise, Stephan explique que « ce voyage n’avait pas pour but d’engranger des kilomètres, nous voulions embrasser l’esprit du ‘Vacilando’ – un terme espagnol intraduisible pour désigner l’acte d’errer lorsque l’expérience du voyage est plus importante que la destination finale, et celui du highland Drover – ces bergers conduisant autrefois le bétail. Personnage central de la vie en Ecosse entre 1700 et 1850, le drover partait souvent pour de longs et lents voyages à travers les régions les plus reculées et non tracées des Highlands ».
Bien entendu leur plan ne s’est pas tout à fait déroulé comme prévu. « Nous avons accusé Mercure de nous en vouloir, mais bon, pour rester positifs, ça nous a permis d’avoir trois nuits fantastiques de pleine lune, éclairant majestueusement les sommets enneigés des Grampians. C’est typique de ces voyages de reconnaissance que nous faisons : au final, chaque kilomètre prévu en devenait deux ; chaque heure passait en une demi-heure ; chaque piste que nous pensions praticable ne l’était pas ; chaque mètre de tourbière se transformait en une dizaine. Et le rêve d’atteindre la distillerie de Dalwhinnie s’est évanoui vers 15 heures le premier jour, une fois que la lumière a commencé à faiblir et que la pluie s’est abattue sur nous ! » Mais, conclut Stephan « les aventures les plus mémorables sont toujours vécues sur les chemins les moins fréquentés. » Démonstration concluante si l’on en juge par ce « Rainspotting ».
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