Pour les riders, c’est une légende. Pour les autres, disons que le Suédois est celui qui a bousculé tous les codes du freeski. Et pour ceux qui aiment les chiffres, c’est tout simplement l’athlète le plus médaillé de l’histoire des XGames – douze médailles dont sept en or -sacré athlète le plus titré de l’histoire sur une discipline en 2020. Ajoutez à cela que son look est unique et que sa passion pour le hip-hop des 90′ & le Wu-Tang suscite presque autant de posts que son ski. Et on comprendra pourquoi la diffusion en libre accès de son dernier film « Salute » – deux ans après sa sortie ! – était aussi attendue. Voilà qui est fait. L’occasion de lire ou relire l’interview qu’il nous avait accordée à Annecy lors de l’avant-première de son documentaire.
En octobre 2020, 500 happy fews ont pu assister à Annecy à l’avant-première mondiale de « Salute ». 32 minutes produites par BUG Visionaries, réalisées et filmées par STEPT Studio, dans lesquelles on retrouve plusieurs des meilleurs freeriders mondiaux actuels. Notamment Oystein Braaten, Karl Fosvedt, Jacob Wester, Chris Logan, Sammy Carlson ou encore Clayton Vila, pour ne citer qu’eux. Un concentré de pur freeski en modes urbain et back country que l’on peut désormais visionner intégralement et en accès libre.
Pour Henrik Harlaut, c’est le troisième film après BE Inspired (2016) et The Regiment (2018). Son plus gros projet qui aura nécessité deux années de tournage dans le monde entier. Depuis la rue dans le Minnesota, aux États-Unis, jusqu’en backcountry à Chamonix. « Je voulais montrer l’envers du décor de la compétition, loin de la Coupe du monde et des XGames, et pouvoir skier avec mes amis et mes idoles » explique celui qui s’est imposé en un temps éclair comme le boss des XGames avec douze médailles dont sept en or. Fascinant quand on sait qu’au départ, c’est plutôt le hockey sur glace qui le faisait vibrer. Il aura suffi pourtant qu’à 9 ans il découvre le « RedBull Big air », compétition réunissant les meilleurs freeskieurs du monde, pour qu’il trouve son terrain de jeu idéal. Terrain dont il n’a eu de cesse de repousser les frontières.
Interview: « j’ai rêvé d’être le nouveau Zidane »
Propos recueillis en octobre 2020, à la veille de l’avant-première de « Salute »
Henrik, tu vas très loin dans ton ski, jusqu’où es-tu prêt à repousser tes limites ?
C’est toute une question d’équilibre. J’essaye toujours de visualiser jusqu’où je pourrais aller, sans dépasser cette limite. Car mon but, clairement, ça reste la longévité. Ce que je veux, c’est avoir une longue carrière. Ça a beaucoup plus de sens et d’intérêt qu’une carrière courte et crazy. L’idée, c’est de sentir à quel moment je peux repousser les limites au-delà desquelles ça devient trop dangereux. Si je le sens bien, je fonce. Si je ne le sens pas, je ne me force pas. Être en bonne santé, rester en forme, ne pas me blesser, c’est ma priorité #1.
Coupe du monde fin novembre, compétitions à Font Romeu et en Autriche, X-Games, Championnats du monde fin février … Comment envisages-tu cette saison (2020, ndlr) ?
Mes plans pour la prochaine saison sont un peu différents des années précédentes. Je n’ai pas prévu de m’investir spécialement dans un projet de film. Cette année, je veux davantage prendre mon temps, pour vraiment travailler sur mes faiblesses, améliorer encore mon niveau en ski. Parce que quand tu passes des compétitions aux tournages, et des tournages aux compétitions à un rythme assez dément, tu as tendance à rester seulement dans des choses que tu maîtrises, et à t’y donner à fond.
En compétition, forcément, tu ne peux pas t’amuser à te lancer dans des choses que tu ne maîtrises pas où dans lesquelles tu n’es pas vraiment bon. Même chose avec les tournages. En backcountry, tu vas te concentrer sur les tricks que tu as déjà faits des centaines de fois dans le passé. Du coup, c’est dur de trouver le temps de s’autoriser à ne pas être le meilleur, et de redevenir tout simplement un « débutant ».
C’est ça que je veux faire cette année, me concentrer le plus possible sur le ski, prendre soin de mon corps, prendre du temps pour me reposer, pour récupérer, rester à la maison, manger de la bonne nourriture et progresser en ski. Bien sûr, s’il neige en ville, je tenterai quelques street rails. Pareil en backcountry, si je me retrouve sur un bon spot. Parce que c’est vraiment ça que j’aime. Mais là, cette saison, je vais me concentrer sur mon ski.
Si tu n’étais pas devenu skieur, que serais-tu devenu ?
J’aurais essayé d’être un athlète dans un autre sport. J’ai grandi en faisant plein d’activités et de sports différents. J’ai toujours eu besoin de faire quelque chose de physique, je m’y suis donné à fond dans tous les sports que je pratiquais quand j’étais plus jeune. Je pense que depuis tout jeune, je suis un grand rêveur. Donc j’aime penser que j’aurais été performant dans d’autres sports, peu importe celui que j’aurais choisi.
J’ai pratiqué des tas de sports différents, j’ai adoré, et chaque fois je m’y suis projeté à 100%. Un été, j’ai même rêvé d’être le prochain Zinédine Zidane, avant de m’imaginer comme le nouveau Wayne Gretzky ! (le meilleur joueur de l’histoire du hockey sur glace, ndlr). J’avais toujours en ligne de mire ces figures iconiques. Mais quand je me suis mis au freeski, c’est passé bien au-dessus de tous les autres sports. C’était bien plus cool, plus fun, plus libre. Ca me correspondait vraiment.
Ta passion pour la musique est de notoriété publique, qu’est-ce que tu écoutes quand tu rides ? Puis pour te détendre après ?
Je ne veux pas vraiment donner de noms exacts ou de playlists. Mais disons qu’en général, quand je skis, j’écoute du hip hop assez brut, surtout celui des années 90, ou des morceaux sortis dans les huit dernières années mais inspiré des années 90. Pas vraiment de la musique commerciale. Sinon j’écoute aussi de la trap, des sons avec une batterie forte, avec un rythme plus lent. Je m’intéresse surtout aux paroles, plutôt qu’à la mélodie.
Après une journée de ski, j’écoute aussi du hip hop, mais des titres qui me redonnent des forces, qui m’aident à imaginer ce que je voudrais faire les jours suivants. Pour chiller, j’écoute aussi du reggae, un peu de dance hall, au rythme plus lent… des musiques moins violentes, moins agressives que celles que j’écoute en skiant. Comme je le disais, j’écoute plus les paroles que la mélodie. Et si je n’écoutais que de la musique brutale, au bout d’un moment, je deviendrais fou ! La musique déteindrait sur moi. Mais ça c’est un concept qui vaut pour tout : si on n’écoute qu’un seul type de musique, si on ne regarde qu’un seul type de film, on commence à agir de la même manière, on peut devenir fou.Je suis sûr que ce que j’écoute a un fort impact sur moi et mon comportement.
Ecouter de la musique, c’est de la pure adrénaline, comme skier. Voir mes artistes préférés performer en direct, c’est tellement cool. Ils sont comme des dieux pour moi ; les voir en vrai, c’est assez irréel pour moi. Mais sauter d’une rampe est la meilleure chose que je connaisse sur cette terre. C’est là que je suis le plus heureux.
Les gens te connaissent comme rider et producteur de musique. Quelle est ta prochaine étape ?
Franchir un niveau supérieur dans tous ces domaines, j’imagine. Je n’ai pas prévu de changer grand-chose. Je sais que mon truc à moi c’est skier, faire de la musique, créer dans ces domaines, c’est tout ce qui m’intéresse. J’espère pouvoir continuer à faire ça car j’ai beaucoup de chance de vivre de mes passions, de mes rêves. Je ne voudrais changer ça pour rien au monde. Bien sûr j’espère encore m’améliorer. On peut toujours continuer à progresser.
Y a-t-il une face cachée de toi, qu’on ne connait pas encore?
Pas facile comme question … Mon père est né en France – de son côté j’ai des origines franco-algériennes – alors j’ai passé beaucoup de temps en France. Alors on y descendait toujours pendant les vacances d’été. J’y étais quand la France a gagné la coupe du monde, en 98, et quand les Bleus sont arrivés 2e en 2006. J’aime beaucoup la France, je m’entends très bien avec les Français. J’ai beaucoup de respect pour les Français et leur culture. Et, franchement, en ski, je trouve que les Français et les Suisses sont ceux qui ont le plus de style dans toute l’Europe !
Article initialement publié le 21 octobre 2020, mis à jour le 27 décembre 2022
Photo d'en-tête : Josh Bishop- Thèmes :
- Freeski