Nouveau rebondissement suite à l’ordonnance du juge des référés contre le projet de retenue collinaire prévue à La Clusaz, en Haute-Savoie. Décision qui le 25 octobre dernier marquait une première victoire pour l’environnement face à ce projet censé alimenter principalement la production de neige artificielle, auquel s’opposaient France Nature Environnement, Nouvelle Montagne, Mountain Wilderness France et la Ligue de Protection des Oiseaux. Et voici maintenant que l’affaire monte au Conseil d’Etat, sous l’impulsion de la mairie de La Clusaz qui se pourvoit en cassation, mais aussi… du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires !
C’est une nouvelle étape qui s’ouvre aujourd’hui avec l’action qu’initient la mairie de La Clusaz et le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires. A savoir : se pourvoir en cassation auprès du Conseil d’Etat, suite au verdict du juge du tribunal administratif de Grenoble ordonnant le 25 octobre dernier la suspension de l’autorisation de la retenue d’altitude sur le plateau de Beauregard à La Clusaz, apprend-on via un post publié hier sur Linkedin par Valérie Paumier, fondatrice de Résilience Montagne, association opposée au projet.
On se souvient que le 19 septembre dernier, la préfecture de Haute Savoie validait un projet de retenue collinaire (le 5e !) sur le plateau de Beauregard, destinée à maintenir sous perfusion La Clusaz, station de basse et moyenne altitudes en mal de neige, réchauffement climatique oblige. Un mois plus tard, le 20 octobre, les opposants à ce projet d’un autre siècle – France Nature Environnement, Nouvelle Montagne, Mountain Wilderness France et la Ligue de Protection des Oiseaux –saisissaient le tribunal administratif de Grenoble en référé afin de suspendre l’arrête préfectoral autorisant le début des travaux. Le juge des référés s’était prononcé le 25 octobre :
« L’intérêt public qui découle de la réalisation d’une retenue collinaire essentiellement destinée à assurer l’enneigement artificiel de la station est insuffisant à remettre en cause l’urgence qui tient à la préservation du milieu naturel et des espèces qu’il abrite », estimait-t-il dans son ordonnance publiée sur le site du tribunal. Une conclusion qui n’était qu’une première étape, mais qui restait encourageante d’autant que le juge avait par ailleurs condamné l’État à une amende de 1 200 euros, critiquant la « légalité » de l’arrêté préfectoral d’autorisation de défrichement, qui devait se dérouler en octobre et novembre.
« Un soulagement », pour France Nature Environnement Auvergne Rhône-Alpes qui expliquait dans un communiqué que « le signal envoyé aux communes et stations de montagne est sans appel . La production de neige artificielle pour gagner quelques années sur le changement climatique et prolonger le modèle du « tout ski » ne peut pas justifier la destruction d’habitats, d’espaces naturels et d’espèces protégées ».
Un première étape, donc, mais les associations restaient mobilisées afin d’obtenir un jugement au fond « sur l’ensemble des points contesté », rappellaient-elles. Une victoire aussi pour les Zadistes qui depuis fin septembre occupaient le lien sur le camp basptisé « la Cluzad », toute première zone à défendre (ZAD) jamais créée en altitude dans les Alpes françaises.
Le conseil d’Etat va se prononcer sur la forme, pas sur le fond
Arrive maintenant le pourvoi en cassation, que Vincent Neirinck de Mountain Wilderness commente en ces termes : « Que l’Etat soit partie prenante dans cette action ne m’étonne pas, même si cela peut choquer. Par le passé, quand nous avons attaqué des unités touristiques nouvelles, il nous est arrivé assez régulièrement de gagner et dans ce cas-là l’Etat a été condamné et c’est toujours sur le budget de l’environnement que cela a été imputé… même dans des cas où le ministère de l’environnement avait émis des avis négatifs au projet qui avait finalement été autorisé. Reste que nous trouvons vraiment dommage que l’Etat se pourvoit en cassation sur une affaire comme celle-là. C’est un vrai problème. Je le déplore, parce que c’est véritablement un coup de semonce qui a été envoyé par le juge des référés. Sachant qu’en plus le conseil d’Etat ne va pas juger sur le fond mais sur la forme, la question étant : oui ou non le juge des référés a-t-il suivi la règle ? On est dans le cas où le juge a suspendu mais n’a pas annulé l’autorisation. En avait-il le droit alors qu’il en a jugé en son âme et conscience sur les bases des éléments dont il disposait ? Mais on va gérer ça. Nos chances d’aboutir restent les mêmes. Nous avons confiance.
Ca nous embête, parce que cela va nous coûter de l’argent, il va falloir prendre un avocat spécialisé. D’où l’appel de fonds que nous avons lancé. Encore une fois, ce n’est pas la première fois que ça nous arrive, y compris de monter au Conseil d’Etat, et de gagner après avoir déboursé des milliers d’euros en avocat. C’est le cas par exemple d’une action contre l’autorisation de balades en moto neige sur Val Thoren et Les Ménuires, nous avions gagné en première instance en appel. La commune s’était pourvue en cassation. Nous avions gagné et là aussi le budget dédommagement avait été pris… sur le ministère de l’environnement. Ce qui nous semble anormal. Mais c’est comme ça que ça marche… Alors oui, nous sommes déçus qu’ils se pourvoient en cassation, ils auraient pu laisser tomber et voir ce que ça allait donner au niveau du fond, ils ont choisi de faire différemment… On note. »
En attendant, les associations restent mobilisées afin d’obtenir un jugement au fond « sur l’ensemble des points contesté », rappellent-elles. En sachant, précise Valérie Paumier que tous les travaux sont suspendus et devraient le rester pour au moins un an. « On sait que le bois ne peut être défriché que pendant les mois d’octobre et de novembre. Donc il n’y aura rien d’ici l’automne 2023. De plus il ne s’est rien passé sur place, vu qu’il y avait occupation. La ZAD a sauvé le bois. Quant on en arrive là, c’est un échec, car on n’a jamais pu s’assoir autour d’une table avec la mairie, les promoteurs du projet – le préfet on ne l’a jamais vu… on le voit le 22 décembre – pour discuter des solutions alternatives à l’eau, parce que nous, on a des solutions. »
Appel de fonds : face au Conseil d’Etat, financer le recours à un avocat spécialisé
« Il nous faut 50 000 euros pour aller en cassation », explique Valérie Paumier ( à l’heure où nous bouclons cet article, le montant s’élève à 41 115 €, ndlr). « Notre appel a été très bien relayé sur Linkedin. Ainsi que sur Insta, par des influenceurs climat comme Hugo Clément (avant le référé) et plus récemment par Vincent Verzat « Partagez, c’est sympa », sur Instagram. Sans parler des sportifs qui nous suivent et nous soutiennent comme Kilian Jornet, notamment. Quand ils se mettent dans la boucle, ça va vite ! »
Pour soutenir le financement du pourvoi en cassation, c’est ici.
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