Sans aucune expérience en canoë-kayak, Lionel Prado et son ami photographe Antonin Charbouillot ont parcouru 500 kilomètres sur une rivière sauvage du Canada, éloignés de toute civilisation. De ces trois semaines en immersion totale dans la nature, le réalisateur a tiré un film esthétique de 27 minutes.
L’aventure de Lionel Prado et Antonin Charbouillot est la définition du « slow travel », en version extrême : trois mois d’expédition à travers le nord-ouest du Canada, dont trois semaines passées à bord d’un canoë sur 500 kilomètres de rivière sauvage – avant de parcourir 2000 kilomètres en auto-stop. Un voyage presque spirituel pour ces néo-aventuriers, réalisé en août 2017, et raconté aujourd’hui dans un film immersif : « S’abandonner au sauvage ». Monté au printemps 2020, en plein confinement, il est à voir lors de la soirée spéciale organisée sur Zoom, le 6 mai, à 20 heures.
L’imprévu était justement le maître-mot de l’expédition des deux Français, partis sans aucune expérience en canoë. « On a été déposés en hydravion sur un lac, où on s’est entrainés pour la première fois avant de se lancer sur la rivière. On pensait que ça suffirait, mais finalement, notre entrainement n’a servi à rien car la navigation en eau calme n’a rien à voir avec l’eau vive », se souvient Lionel Prado, réalisateur du film « Introspection ».
« Lorsqu’on est partis en 2017, j’étais tout juste diplômé en informatique, et j’avais hâte de faire cette expédition. Comme si j’avais du retard. J’ai voulu foncer, même sans savoir naviguer, je voulais me prouver que je pouvais réussir à vivre des moments forts. Avant ça, j’étais déjà parti au Népal et au Ladakh en Inde, mais ce voyage au Canada était ma première vraie aventure en autonomie, sur une longue durée », explique-t-il. C’était sans imaginer les obstacles imposés par cette nature sauvage, à l’écart de toute civilisation. Plutôt téméraire pour une première expérience sur l’eau.
« On a cru qu’on allait mourir »
Trois jours après leur départ sur la rivière, les deux aventuriers ont retourné leur embarcation, coincée par le courant. « On a cru qu’on allait mourir. L’eau était gelée, et coulait très rapidement – le canoë pouvait être entrainé d’un moment à l’autre, avec nos vivres et notre matériel à bord », confie le réalisateur qui s’est fait très peur.
« Cet épisode a fait prendre un tournant à notre aventure. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à lâcher prise. Avant notre départ, on voulait tout contrôler – on voit d’ailleurs la différence dans le film à nos expressions de visages, plus crispés dès qu’on rencontrait un imprévu au début. Puis on s’est rendus compte de la beauté de cette imprévisibilité, qui a donné le ton du film ».
Un film qui aurait pu ne jamais voir le jour, d’ailleurs. « À la base, je suis parti au Canada avec l’envie de réaliser un film d’aventure. Mais après l’épisode du retournement en canoë, j’ai changé d’avis. Je voulais juste rester en vie. Avec Antonin (Charbouillot, ndlr), on s’est concentrés sur la photographie ; j’ai quand même tourné quelques scènes au cas où. Et pendant le premier confinement, je me suis replongé dans les rushs pour finalement monter un film de 27 minutes », explique Lionel Prado.
Explorer un style immersif
Pendant trois semaines, Lionel et Antonin ont donc arpenté les terres inhabitées du nord-ouest canadien, à la rencontre des animaux sauvages, en alternant des phases d’exploration de vallées reculées et de navigation sur la rivière. Cette aventure s’illustre plus par la beauté des paysages traversés et la démarche philosophique du réalisateur, que par la recherche de la performance.
« Se retrouver face à des ours, pêcher et cueillir sa propre nourriture, s’adapter en permanence aux changements météo nous ont permis de revenir à la même échelle que les autres êtres vivants. On a pris du recul sur cette position de l’homme comme prédateur supérieur. Travailler avec le sauvage, c’est comme s’il te confiait un secret qu’il faut aussi protéger. C’est pour cela que je n’ai pas souhaité insister sur le nom de la rivière descendue : je préfère partager l’envie de partir à l’aventure, pour que chacun puisse créer la sienne ensuite », rapporte Lionel Prado.
Une réflexion qu’il a également portée sur la conception du film. Pendant 27 minutes, très peu de prises de paroles interviennent – un choix justifié par le désir de « laisser les spectateurs créer leur propre ressenti. Je voulais mettre l’accent sur l’expérience sensorielle, plutôt que me concentrer sur notre vécu. Ce format laisse davantage de place à l’échange, et c’est le partage avec les autres qui est enrichissant », décrit le réalisateur.
Lionel Prado entend bien continuer à explorer ce style immersif. « Je travaille sur une idée de série en plusieurs épisodes, peut-être sous forme de micro-aventures. Pourquoi pas faire une aventure à cheval, pour approfondir le lien avec l’animal », conclut-il.
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