Le 22 mai survenait le pire accident de l’histoire du trail-running : 21 traileurs, dont des coureurs d’élite, mouraient d’hypothermie dans une course de 100 km organisée dans la province de Gansu, au nord-ouest de la Chine. En cause, une violente tempête mais aussi et surtout une organisation totalement déficiente. Devant l’indignation générale, la Chine a annoncé hier qu’elle suspendait pour une durée indéterminée tous les événements sportifs à haut risque. Du trail au wingsuit. Un coup dur pour les milliers d’adeptes chinois de ces sports, mais aussi pour les industriels de l’outdoor qui se sont engouffrés sur un marché en pleine explosion. Sans parler du Groupe UTMB qui a prévu deux événements majeurs dans le pays en 2022…
« En Chine, les ultra-trails se sont multipliés au cours des dernières années, mais l’organisation n’a pas suivi », écrivions-nous le 26 mai, suite à l’accident tragique de Gansu où 21 traileurs sont morts d’hypothermie lors de la course du Yellow River Stone Forest Park, un ultra trail de 100 km. « Or, tout semble réuni pour qu’une nouvelle tragédie se reproduise », expliquait alors notre journaliste, fin connaisseur de la scène du trail chinois … « A moins que la Chine ne réagisse en freinant brusquement l’explosion d’un sport en plein essor ? » Voilà qui est fait. Et radicalement. Comme depuis quelques jours déjà on s’en doutait.
Interdire, plutôt que réformer
La Commission centrale d’inspection de la discipline du Parti communiste chinois – le même organisme qui enquête sur les cas de corruption très médiatisés et veille à purger les rangs des fonctionnaires véreux – s’est aussitôt penché sur l’affaire de Gansu. Et rapidement, les dominos ont commencé à tomber, l’un des plus grands organisateurs publics, XTrail, a annulé une grande course prévue dans la région du lac Kansas, dans les montagnes de l’Altaï, dans la région autonome du Xinjiang. Et plusieurs régions ont également annoncé l’annulation de marathons. Sur son site web, la Commission s’est même fendue d’un communiqué reconnaissant que la quête de profits rapides et le faible contrôle du gouvernement avaient généré des problèmes de sécurité croissants lors de ce type d’événements . »Certaines courses ne recherchent souvent que les bénéfices économiques et ne sont pas prêtes à investir dans les services et la sécurité », apprenait-on.
Pour qui sait lire entre les lignes de la communication officielle chinoise, la sentence ne devait pas tarder. Pour certains experts, il fallait s’attendre à une répression réglementaire. Voire à une suspension de certaines courses extrêmes en haute altitude. C’est la deuxième option qu’a choisie hier la Chine, comme le pressentait notre correspondant : « Lorsqu’une tragédie survient en Chine, les autorités ont tendance à intervenir de manière très radicale, préférant fermer complètement une entreprise plutôt que d’en modifier le fonctionnement », expliquait-il. « L’État pourrait adopter une approche similaire, en mettant un terme aux courses plutôt qu’en les rendant plus sûres en obligeant les organisateurs à investir dans la sécurité et à se former à la culture de la montagne » .
Quid des UTMB World Series prévues pour 2022 ?
Sans surprise, donc mercredi, l’Administration générale des sports de Chine a déclaré sur son site web qu’elle suspendait tous les événements sportifs à haut risque qui ne disposaient pas d’un organe de surveillance clair, de règles établies et de normes de sécurité. Une définition très large, qui inclut notamment tous les trails, des courses en montagne, désert etc mais aussi le wingsuit et les ultra en général. Sans préciser la durée d’application de cette mesure. Mais elle a indiqué qu’elle allait examiner en détails tous les événements sportifs organisés dans le pays afin d’améliorer la réglementation, renforcer les normes et les règles de sécurité. Les autorités locales, très friandes de ce type d’événements générateurs de retombées financières et médiatiques, ont également été sommées de « ne pas organiser de compétitions sportives sauf si cela était nécessaire » et d’annuler tout événement présentant des risques pour la sécurité à l’approche du centenaire du Parti communiste chinois, qui tombe le 1er juillet.
A ce jour, il n’est pas précisé combien de courses étaient affectées par cette suspension, mais selon l’Association athlétique chinoise, 481 trails et 25 ultra-marathons se sont tenus en 2019. Un chiffre difficile à vérifier mais qui semble bien en-deçà des estimations recueillies par notre correspondant selon lequel quelque 3 000 ultras seraient organisés chaque année en Chine. Des épreuves très locales, organisées avec les moyens du bord, jusqu’aux courses labellisées par l’UTMB. De quoi donner à réfléchir justement à l’UTMB Group qui le 6 mai annonçait le lancement du plus grand circuit mondial de trail running, UTMB® World Series, en partenariat avec The IRONMAN Group. Un événement comprenant notamment … deux courses en Chine. Suite à la tragédie de Gansu, Catherine Poletti, présidente du Groupe UTMB, devait d’ailleurs qualifier l’incident tragique de « véritable choc », susceptible d’accélérer la professionnalisation et un renforcement des mesures de sécurité pour les courses organisées dans le pays. UTMB® World Series est prévu pour 2022. Les enjeux sont énormes, mais reste à savoir si la suspension annoncée hier par la Chine sera levée d’ici là.
Photo d'en-tête : AFP