Reinhold Messner, Paul Watson, François Suchel ou Stéphanie Besson, tous militent activement depuis des années, en faveur de nos montagnes, de nos océans ou tout simplement de plus d’humanité. Leurs essais, publiés au cœur de la tourmente Covid-19 sont parfois passés inaperçus. Et c’est dommage, car jamais nous n’avons eu autant besoin de réflexion, d’analyse et de recul par rapport à nos engagements et nos valeurs personnelles. Ces quatre titres, sélectionnés par la rédaction d’Outside, sont à lire, à offrir ou à partager avec tous ceux qui, comme beaucoup d’entre nous, sont en quête de sens.
Liberté, foulées, fraternité : 2500 km de trail en Himalaya
François Suchel. Glénat. 200 pages. 19,95€
« Voyager peu mais intensément », c’est le propos de François Suchel, parti en septembre 2017 pour traverser l’Himalaya en marchant et en courant, sans assistance, un petit sac à dos pour seul bagage. Parti de Dharamsala au nord de l’Inde le 2 septembre, il arrive à Katmandou le 1er décembre, après être passé par le Zanskar, les sources du Gange, la Nanda Devi, le Mustang, les massifs mythiques de l’Annapurna et du Manaslu. Au final, un périple de trois mois qui tient en quelques chiffres, 2 500 kilomètres et 105 000 mètres de dénivelé. Un exploit, mais surtout un cheminement spirituel et un questionnement sur l’industrie formatée du trail et sur le tourisme dans la droite de ligne de la réflexion entamée depuis quelques années par ce pilote de ligne auquel on doit déjà trois récits (publiés eux chez Paulsen) dont « Sous les ailes de l’hippocampe(2014). Il y relatait son périple Paris-Canton en VTT bouclé en 2010 : « On peut vouloir partir parce qu’on n’a jamais voyagé. Moi, j’ai décidé de voyager parce que je suis trop souvent parti. J’ai parcouru le monde sans le voir », avouait François Suchel, en prélude à ce récit. Délaissant son VTT, devenu marcheur, coureur, avec « Liberté, foulées, fraternité, paru aux éditions éditions Glénat, c’est dans une aventure humaine et spirituelle que l’auteur nous entraîne maintenant.
Trouver refuge : histoires vécues par-delà les frontières
Stéphanie Besson. Glénat. 312 pages. 19,95€
Avec « Trouver refuge », c’est le parcours bouleversant d’exilés pleins d’espoir et de souffrances, que l’on suit. Déracinés, ils se retrouvent dans le Briançonnais par hasard, après s’être mis en danger pour arriver en France. Là, leur destin va changer grâce une poignée de personnes qui comprennent qu’accueillir l’autre, c’est ici et maintenant, même si cela vient perturber le cours de leur quotidien. Des bénévoles qui refusent la peur, indifférence, la violence et choisissent d’ouvrir leurs cœurs et leurs portes, inconditionnellement à ceux qui arrivent. Qui savent qu’en montagne, on n’abandonne personne, même pas son pire ennemi. Qui décident de ne pas faire de différence entre le touriste qui vient ici par envie et l’exilé qui arrive sans l’avoir choisi pour trouver asile et protection. Parmi eux, Stéphanie Besson, accompagnatrice en montagne, native de Briançon, cofondatrice du mouvement citoyen l’association « Tous Migrants ». Association défendant l’accueil inconditionnel et les droits des exilés par des actions de sensibilisation, de plaidoyer, de recours en justice, elle soutient les initiatives pour leur porter secours en montagne, son action a reçu la mention spéciale du prix des droits de l’homme de la République française au mois de décembre 2019. Dans « Trouver Refuge : histoires vécues par-delà les frontières », l’auteur, qui signe ici son premier livre, nous livre ici le récit de ces rencontres entre exilés et montagnards, au travers de nombreux témoignages émouvants.
Urgence ! Il faut sauver les montagnes
Reinhold Messner. Glénat. 144 pages. 9,90€
« La seule montagne qui vaille la peine qu’on la gravisse, c’est une montagne intacte », écrit Reinhold Messner. Qui, mieux que l’alpiniste charismatique, pouvait écrire ce manifeste en faveur du maintien de la nature sauvage en montagne ? Premier homme à gravir les quatorze sommets de plus de 8 000 mètres, avant de s’intéresser aux pôles et aux déserts, parcourus à pied, l’Autrichien lance un appel en faveur de la préservation de la nature en montagne ; parce qu’il y a urgence.
Écologiste engagé, député européen représentant les Verts italiens entre 1999 et 2004, il milite aujourd’hui en faveur d’une interaction durable et raisonnable avec le paysage culturel alpin et appelle chacun d’entre nous à protéger les montagnes afin que nous puissions à l’avenir faire l’expérience de leur état naturel. Fonte des glaciers, éboulements monstrueux, manque d’enneigement… depuis quelques années, le réchauffement climatique se fait particulièrement sentir en montagne. Par ailleurs, en quelques décennies, cet écosystème a été fragilisé par le tourisme de masse. La survie de ce paysage, souvent plus proche aujourd’hui du parc d’attraction que de l’espace sauvage, relève de notre responsabilité dit-il rappelant que la seule solution aujourd’hui est de changer de mode de vie. En montagne, comme partout ailleurs sur la planète.
Urgence ! Il faut sauver les océans
Paul Watson. Glénat. 128 pages. 9,90€
Sea Shepherd c’est lui. « Pirate », « écoterroriste » pour certains ; considéré comme l’un des plus grands héros écologistes du xxe siècle pour d’autres, le Canadien Paul Watson, cofondateur de Greenpeace en 1969, et fondateur en 1977 de l’association qui se définit comme « l’ONG de défense des océans la plus combative au monde », aura tout entendu en près de 50 ans d’action, souvent très musclée, en faveur de la défense de la biodiversité marine. Il est vrai que Sea Shepherd n’a pas que des amis et n’hésite pas à employer la manière forte face aux braconniers. Mais on oublie trop souvent qu’elle nettoie aussi les plages, encourage un mode de vie végétalien, et répète constamment et patiemment que « si l’océan se meurt, nous mourrons ! », titre d’un précédent ouvrage de Paul Watson paru en 2016.
Dans son dernier opus, « Urgence ! Il faut sauver les océans », il ne dit pas autre chose, mais il le dit bien, revenant sur son long parcours de militant, exposant les enjeux actuels et proposant des moyens d’action et des solutions, car jamais il ne baisse les bras, même si les conférences internationales se succèdent et qu’aucune décision concrète n’est prise que alors que l’urgence climatique est de plus en plus impérieuse. Certains diront que ces dénonciations ne sont pas nouvelles et qu’il ne fait que rappeler ce que nous savons tous malheureusement trop bien depuis plusieurs années maintenant, mais on reste impressionné à la lecture de ce petit livre d’une centaine de pages par la force qui se dégage des propos de Paul Watson. Le capitaine est terriblement lucide, mais certainement pas désespéré. Et contre toute attente, on en sort galvanisé par la voix calme de cet homme de 70 ans qui, au regard de ce qu’il a vu, vécu et combattu aurait toutes les raisons de jeter l’éponge. « On ne change pas le monde sans faire de vagues. », reste son crédo. Ce que plus d’un siècle plus tôt Victor Hugo exprimait ainsi « Il vient une heure où protester ne suffit plus, après la philosophie, il faut l’action ». Ce sont les premiers mots que l’on découvre sur le site de Sea Shepherd.