Le mythe de l’efficacité des probiotiques ne doit pas faire oublier que les fibres alimentaires contiennent des prébiotiques favorisant la prolifération des bonnes bactéries intestinales.
Les probiotiques sont régulièrement présentés comme un médicament miracle. A en croire certains, il suffirait d’avaler une gélule remplie de ces bonnes bactéries pour en récolter les – supposés – bienfaits : une meilleure digestion, un système immunitaire plus fort et un risque réduit d’anxiété, de dépression et même de cancer. Mais des recherches récentes ont montré que la prise de probiotiques ne signifiait pas que les bactéries restaient durablement dans l’intestin. Avoir un microbiote sain est certes formidable, mais la meilleure façon de favoriser le développement de bonnes bactéries n’est pas forcément de les ingérer.
En réalité, selon une étude publiée en septembre, l’efficacité des probiotiques dépendrait du microbiote déjà présent chez un individu. Chez les participants ayant un microbiote intestinal “résistant” – environ la moitié du groupe étudié -, les bactéries des probiotiques finissent dans la cuvette des toilettes. Au lieu d’ingérer de nouvelles bactéries, il semblerait qu’il vaille mieux alimenter celles qui se trouvent déjà dans notre corps. Leur nourriture préférée ? Les légumes. Les bonnes bactéries se nourrissent de certains types de fibres alimentaires, appelées prébiotiques, que l’on trouve dans les fruits, les légumes, les noix, les légumineuses et les céréales complètes.
“Prendre des probiotiques revient à ouvrir la boîte de Pandore”, explique Jens Walter, chercheur à l’Université d’Alberta, au Canada. Selon lui, même si certaines études préconisent l’introduction de certaines bactéries pour traiter des pathologies particulières, comme le syndrome du côlon irritable, il est difficile de savoir quoi faire exactement côté prise de compléments alimentaires. “Il faut des décennies pour que ces bactéries s’adaptent à nos intestins. Avaler un probiotique ne changera donc pas grand-chose à court et moyen terme.”
Empêcher les bactéries de passer dans le système sanguin
Les prébiotiques, en revanche, “réduiraient les risques de développer un cancer du côlon, permettraient de résister à la prolifération de bactéries nocives, augmenteraient l’absorption des minéraux dans le gros intestin et contribueraient à la perte de poids”, souligne Emma McCrudden, diététicienne du sport à la University of British Columbia. Mais, nuance-t-elle, une grande partie des recherches ont été effectuées en laboratoire ou sur des animaux. Les recherches sur des sujets humains se poursuivent.
Les fibres alimentaires traversent l’intestin grêle sans être digérées et arrivent au côlon, où les bactéries commencent à les faire fermenter. Les fibres sont alors transformées en molécules chimiques bénéfiques pour la santé, notamment dans la diminution des inflammations et le renforcement de la paroi intestinale, qui permet d’empêcher les bactéries de passer des intestins au système sanguin.
Certaines fibres prébiotiques présentent un intérêt particulier pour les scientifiques. L’une d’entre elles, l’inuline, se retrouve en concentrations élevées dans les oignons, les asperges et l’ail. Dans une étude portant sur 30 femmes, on a constaté que l’apport d’inuline a considérablement modifié le microbiote intestinal, entraînant une augmentation des bactéries jugées bénéfiques. Des effets similaires ont été notés sur des souris nourries aux prébiotiques.
Un steak ET une salade
Une étude très souvent citée, datant de 2014, montre la vitesse à laquelle le microbiote change en fonction de l’alimentation. En seulement quatre jours, on a pu remarquer chez les participants ayant modifié leur alimentation et adopté un régime soit à base de produits d’origine végétale, soit à base de produits d’origine animale, un changement important dans le nombre et le type de bactéries présentes. Ceux qui ont consommé de la viande et d’autres produits d’origine animale ont vu augmenter les bactéries faisant fermenter les protéines et entraînant potentiellement des problèmes de santé comme les maladies inflammatoires de l’intestin.
Manger plus de légumes, en revanche, augmente l’activité des bactéries qui font fermenter les fibres, abaisse le pH de l’intestin et réduit la fermentation des protéines, souligne Jens Walter. En résumé, les fibres alimentaires compensent l’impact de la consommation de viande et maintiennent le bon équilibre des bactéries. “Si vous avez vraiment envie de manger un steak, mangez-le accompagné d’une salade”, conclut Jens Walter.
Les scientifiques ont beau se réjouir de ces résultats, beaucoup de questions restent sans réponse au sujet des prébiotiques. Le spectre des “fibres alimentaires” est large, et bon nombre d’entre elles pourraient être bénéfiques à la santé intestinale, selon Jens Walter. Bien que l’on ne comprenne pas exactement pourquoi, on sait depuis longtemps que les fibres sont bonnes pour la santé.
En avaler en grandes quantités permet un apport en prébiotiques suffisant, selon la diététicienne du sport Emma McCrudden. En France et dans les autres pays occidentaux, la consommation de fibres est nettement en deçà des préconisations de l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), moitié moins que les 25 à 30 grammes recommandés par jour. “Nous affamons clairement notre microbiote”, estime Jens Walter.
Tout le monde, y compris les athlètes, peut retirer des bénéfices d’une alimentation riche en fibres. Un microbiote sain renforce le système immunitaire et favorise une meilleure digestion et absorption des nutriments, et donc de meilleures performances, affirme Emma McCrudden. Et, dans tous les cas, manger plus de légumes ne peut pas faire de mal.
Photo d'en-tête : Kkgas/Stocksy