Il aura fallu la descente en hélicoptère du mont Blanc par un athlète italien le 9 juillet dernier pour trouver au bas d’une tribune commune des signataires qu’on n’a pas souvent l’habitude de voir réunies. A savoir : Éric Fournier, maire de Chamonix-Mont-Blanc, Jean-Marc Peillex, maire de Saint-Gervais-les-Bains, les antennes française et italienne de Mountain Wilderness et ProMont-Blanc, structure fédérant l’action des organismes engagés dans la protection du massif. Tous condamnent fermement ce procédé, et en appellent aux autorités pour « qu’une véritable politique de limitations des survols soit mise en œuvre sur l’ensemble du massif du Mont-Blanc, en France sur l’intégralité du site classé et non pas seulement autour du sommet, mais également de manière coordonnée en Suisse et en Italie. » Un message qui s’impose plus que jamais, et que nous relayons ici dans son intégralité.
Le mont-Blanc n’est ni un stade, ni un aéroport
Les 8 et 9 juillet dernier, un athlète italien s’est lancé dans une tentative de record qui l’a mené de Gênes au sommet du mont Blanc en 14 heures, 42 minutes et 14 secondes. Le précédent record datait de 2013, ce périple à vélo puis à pied entre zéro et 4810 mètres d’altitude ayant été réalisé alors en 16h 35mn 52s. Le premier à tenter ce record, Marino Giacometti, avait mis 23 heures pour atteindre le sommet en 1997…
On aime ou on n’aime pas ce type d’exploits, partagé entre l’admiration pour la réalisation physique et l’idée qu’il est préférable de prendre son temps pour s’immerger en montagne et profiter de ce qu’elle a à nous offrir.
Mais là où on n’aime pas du tout lorsque la descente s’effectue en hélicoptère ! Car notre valeureux athlète, un peu las après ses presque 15 heures d’efforts, a en effet fait appel à un hélico pour redescendre, bafouant en ce seul geste éthique et réglementation…
Décidément, être le plus haut sommet d’Europe, ce n’est pas de tout repos pour notre emblématique mont Blanc. Depuis de nombreuses années, on essaie de le protéger, mais encore aujourd’hui on pose un hélicoptère au sommet pour éviter la descente à un homme-sandwich (pour des voitures coréennes électriques…).
Quand est-ce qu’on va enfin préserver ce sommet d’une marchandisation excessive et nuisible ?
Les photos publiées dans la presse en ligne1 montrent en effet qu’il est fort probable que l’hélicoptère privé italien se soit posé en France pour récupérer notre aventurier.
Or :
- l’article L363-1 du code de environnement stipule que « Dans les zones de montagne, le débarquement et l’embarquement de passagers par aéronef motorisé à des fins de loisirs sont interdits, sauf sur un aérodrome au sens de l’article L. 6300-1 du code des transports »2 ;
- l’arrêté de protection des habitats naturels (APHN), adopté considérant entre autres « qu’il est impératif de redonner à l’ascension du Mont-Blanc sa véritable valeur alpine, par la prise de conscience de l’épreuve physique et morale que cela représente, des risques que cela implique et du respect du lieu, magique et grandiose, que cela suppose » et « qu’il convient de tout mettre en œuvre pour assurer tant sa préservation environnementale, que le respect de l’esprit des lieux et des conditions d’ascension sécurisantes pour les prétendants au sommet », a conduit à un renforcement de la réglementation en matière de survol du mont Blanc par la création d’une zone réglementée interdisant le survol du sommet (sauf exceptions : ravitaillement de refuges, aéronefs d’État ou aéronefs en opération d’assistance, de sauvetage ou de sécurité publique, lorsque leur mission ne permet pas le contournement de la zone, travaux aériens).
De ce fait, les signataires condamnent fermement ce procédé, et en appellent aux autorités pour qu’une véritable politique de limitations des survols soit mise en œuvre sur l’ensemble du massif du Mont-Blanc, en France sur l’intégralité du site classé et non pas seulement autour du sommet, mais également de manière coordonnée en Suisse et en Italie.
Ils vont saisir le Préfet de la Haute-Savoie et se réservent le droit d’engager des poursuites contre les contrevenants ; d’ailleurs, conformément à l’engagement qu’il a pris de dénoncer tous les actes de ce type, le maire de Saint-Gervais a d’ores et déjà décidé de porter l’affaire devant les tribunaux.
Les signataires
FOURNIER Eric, maire de Chamonix-Mont-Blanc, vice président de l’Espace Mont-Blanc
PEILLEX Jean-Marc, maire de Saint-Gervais-les-Bains
Mountain Wilderness France
Mountain Wilderness Italia
ProMONT-BLANC
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