C’est un gros pari que fait le réalisateur Denis Imbert en adaptant au cinéma l’essai de l’écrivain voyageur, récit de ses 1300 kilomètres dans la diagonale du vide. Immense succès en librairie, porté par un acteur « bankable », “Sur les chemins noirs”, va-t-il aussi faire recette en salle ? Et surtout les lecteurs de Tesson vont-il y retrouver l’essence du livre ? Verdict le 23 mars, date de la sortie du long métrage.
Souvenez-vous, en 2014, Sylvain Tesson, écrivain-voyageur, tombe d’un toit. « Il avait suffi de huit mètres pour me briser les côtes, les vertèbres, le crâne » écrira-t-il par la suite. Une fois à l’hôpital, « corseté dans un lit » après un coma d’une semaine, il se dit : « Si je m’en sors, je traverse la France à pied ». Moins d’un an plus tard, encore bien amoché, le voilà sur les sentiers de la fameuse diagonale du vide, une large partie du territoire où la densité de la population est plus faible qu’ailleurs. Son objectif ? Relier le Mercantour à la Manche.
S’en suivent près de trois mois d’itinérance – une rééducation, une quête initiatique aussi. « Il m’aura fallu courir le monde et tomber d’un toit pour saisir que je disposais là, sous mes yeux, dans un pays si proche dont j’ignorais les replis, d’un réseau de chemins campagnards ouverts sur le mystère, baignés de pur silence, miraculeusement vides », détaillera par la suite Sylvain Tesson dans le récit de son aventure, « Sur les chemins noirs », publié en octobre 2016 chez Gallimard. Une histoire authentique adaptée sept ans plus tard sur grand écran par le réalisateur Denis Imbert, avec Jean Dujardin dans le rôle principal. Sortie prévue le 22 mars prochain.
« Si tu viens voir le film en te disant que tu veux retrouver le livre, tu seras déçu »
Jean Dujardin ? Un acteur que l’on attendait peu pour jouer le rôle principal de « Sur les chemins noirs », très loin de « Brice de Nice » ou d’ « OSS 117 ». « La comédie [me] colle toujours un peu trop à la peau », Je n’ai aucun problème avec ça, je cohabite très bien avec mes clowns, (…),explique-t-il avant d’ajouter : » j’’ai un rapport à la marche qui est assez ancien : j’ai commencé à 13-14 ans. J’étais scout […] On est 5-6 copains à se retrouver tous les ans. J’ai fait le chemin des Douaniers, la vallée des Merveilles, la Côte d’Argent. J’aime bien marcher, me perdre avec eux et avancer. […] Tesson est un véritable aventurier, voire casse-cou. Je suis un rêveur ».
« Si tu viens voir le film en te disant que tu veux retrouver le livre, tu seras déçu », poursuit l’acteur. « Si tu es ouvert, peut-être qu’il peut se passer quelque chose, mais laisse-toi faire. Donc ce n’est pas Sylvain Tesson, c’est Pierre [nom du personnage principal incarnant l’écrivain-voyageur dans le film, que Jean Dujardin incarne, ndlr]. Il y a évidemment un lien entre nos histoires, mais je n’ai jamais voulu jouer Sylvain Tesson. Cela aurait été indécent et stupide ».
« Tous les ingrédients étaient réunis pour un non-film »
Reste à savoir si le film de Denis Imbert – à qui l’on doit notamment « Mystère », film dans le même univers – aura le même accueil que l’adaptation cinématographique d’un autre best-steller de Sylvain Tesson, « Dans les forêts de Sibérie », réalisé en 2016 par Safy Nebbou (262 648 d’entrées au box-office – pas si mal pour un documentaire mais plutôt mauvais pour une fiction). « Tous les ingrédients étaient réunis pour un non-film : une installation silencieuse et solitaire dans un lieu qui, lui-même, ressemble à un immense néant », confiait alors l’écrivain-voyageur qui affirme ne pas avoir participé, d’une façon ou d’une autre, au tournage. Il fallait apporter une dimension littéraire et je me suis aperçu, en regardant ses précédents films, que ce qui intéressait Safy Nebbou était un cinéma de propos, d’introspection, et j’ai été pleinement rassuré […] Je leur ai fait une absolue confiance [à Safy Nebbou, le réalisateur et Raphaël Personnaz, l’acteur qui incarne Sylvain Tesson, ndlr] et j’ai eu raison : je suis ravi du résultat ».
Il semblerait bien que Sylvain Tesson ne se soit pas davantage impliqué dans le film « Sur les chemins noirs ». Une oeuvre qui sera sans doute portée par le succès en librairie du récit (532.000 exemplaires vendus, dont 230 000 exemplaires rien qu’en collection Blanche), par un fort casting (Jean Dujardin, Izia Higelin, Anny Duperey, Jonathan Zaccaï et Joséphine Japy) mais aussi par la popularité grandissante de l’auteur, récemment auréolé du prix Renaudot pour « La Panthère des Neiges« , son livre sur les hauts plateaux du Tibet en compagnie du photographe animalier Vincent Munier.
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