Plus de 3 000 km et 80 000 de D + en 31 jours, 19 heures et 41 minutes… le dentiste gantois a ajouté hier, un nouveau record à son CV déjà long comme le bras. Et cette fois encore il ne s’est pas montré petit joueur. Car en s’attaquant au record détenu jusqu’à présent par George Henderson (49 jours et 14 heures), il a réussi à boucler la traversée de la Nouvelle-Zélande en un peu plus d’un mois. Magistral, quand on sait que les très bons marcheurs le font en 100 jours !
Si le Pacific Crest Trail, itinéraire qui longe la côte ouest des États-Unis, du Mexique au Canada, fait rêver, beaucoup fantasment encore plus sur le Te Araroa (Grand sentier en langue maori. Ce fabuleux parcours s’étire sur 3 028 km exactement travers la Nouvelle-Zélande, pays formé par deux îles, l’île du Nord et l’île du Sud, où se côtoient hautes montagnes et plages paradisiaques. Un tracé sauvage, riche d’une exceptionnelle biodiversité, qui n’a rien de facile. Sur certains tronçons, il faut grimper. C’est notamment le cas dans la chaîne de Tararua sur l’île du Nord, débutant à 150 mètres d’altitude et atteignant un sommet de 1 462 mètres. Autre section exigeante physiquement, sur l’île du Sud cette fois-ci : l’ascension d’un sommet de 1 700 mètres, à peine cinq mètres après l’ascension très technique et engagée du Little Rintoul (1 634 mètres) dans les Richmond Ranges. Ajoutez des conditions météorologiques imprévisibles, et on obtient un challenge suffisamment relevé pour tenter un Karel Sabbe qui ne cesse d’enchaîner les records.
Voilà une dizaine d’années seulement que le Belge trompe la monotonie de son cabinet dentaire sur les sentiers. Mais il n’a pas perdu son temps. Et surtout, il voit grand, très grand. Aussi ne le verra-t-on pas s’aligner sur les 170 kilomètres de l’UTMB. Trop court pour lui. « J’aime la liberté de ma pratique. Essayer de battre un record me permet de commencer quand je veux, où je veux, avec qui je veux », expliquait-il en janvier 2021 dans le podcast bien connu des traileurs, « Oufff ». « Je suis très compétitif. Mais les courses de moins de 300 kilomètres ne me permettent pas de côtoyer le haut-niveau ». C’est pourquoi il enfile rarement un dossard. Le Belge préfère enchaîner les FKT
Un retour aux sources, une décennie après ses débuts
Finisher de la Barkley en 2023, et recordman actuel de la Via Alpina (2 650 km et 150 000 m de D parcourus en 30 jours, 8 heures et 40 minutes), on l’a vu aussi cette année-là faire tomber de cinq jours le temps de référence du Pacific Crest Trail (PCT) (4 300 kilomètres et 140 000 mètres de D+). Sachant qu’il s’est aussi illustré sur l’Alta Via 2 (192 kilomètres et 10 547 mètres de dénivelé positif dans les Dolomites italiennes –) et l’Appalachian Trail ( record qu’il s’est fait ravir en 2024 par l’Américaine Tara Dower), on l’attendait sur le FKT de la Triple couronne, combiné des trois plus longs sentiers américains.
Mais ce sera sans doute pour plus tard, car c’est vers la Nouvelle-Zélande et le Te Araroa, que le Belge de 35 ans originaire d’Anzegem (Flandre-Occidentale) a mis le cap le 16 janvier dernier. Un sentier qu’il connaissait déjà pour l’avoir parcouru en 2016, à ses débuts dans la course à pied. « C’était une période, après mes études, où je me posais pas mal de questions. J’avais besoin de me retrouver. C’est là que tout a débuté pour moi », avait-il confié à la presse belge. « Cet itinéraire reste un endroit unique avec beaucoup de bons souvenirs pour moi. C’est formidable d’être de retour, surtout avec mon équipe très soudée. Nous sommes tous prêts », a-t-il ajouté sur ses réseaux, avant son départ.
« Cette route est un cocktail de beauté et de défis. Des vues sur l’océan Pacifique aux pics volcaniques et à la forêt tropicale dense, tout y est », expliquait-il avant son départ. « L’île du Sud sera la plus difficile, avec ses montagnes escarpées et ses altitudes élevées. Mais c’est justement ce qui la rend si belle. »
Le sentier ne l’a pas déçu, si l’on en croit le commentaire posté sur Instagram peu de temps après son arrivée :« Le Pacific Crest Trail est le plus beau et le plus épique des sentiers du monde. (…) « C’est sûr, c’est le sentier le plus varié que j’ai jamais couru, des volcans à la forêt tropicale, des Alpes aux rivières en kayak »(… ). « Un moment, vous pouvez rouler doucement sur des sentiers praticables, et soudain, vous vous retrouvez avec une section ‘rough tramping’ sur laquelle vous mettez des heures pour seulement quelques kilomètres. »
Attaque de chiens sauvage, pluie et vents violents
Il s’était donné un mois, à raison de près de 100 km par jour en moyenne, sans compter 170 kilomètres en kayak. Une étape qu’il redoutait, comme il l’expliquait avant son départ : « Ce sera sans doute l’une des parties les plus difficiles de ce défi. Après des jours de marche, je vais soudain devoir m’asseoir pendant un bon moment et ne bouger que les bras ». Pari tenu, à deux jours près. Le trailer ayant parcouru plus de 3 000 km et 80 000 de D + en 31 jours, 19 heures et 41 minutes. Largement de quoi effacer le record précédent établi par le Néozélandais George Henderson (49 jours et 14 heures) en 2020.
Un formidable record qu’il doit notamment à son équipe. Car cette fois, le traileur n’est pas parti seul. Avec lui, en assistance, sa femme, ses deux nièces et deux amis. « Courir 96 km par jour n’aurait jamais été possible sans @karelsabbe_crew. Vous m’avez aidé à ne penser qu’à courir. Henri, Kobe, Marie, Anna et Emma, vous êtes les meilleurs », dira-t-il à son arrivée. Sur place aussi, ses parents et son petit garçon de 5 ans. »Relever ce défi ensemble avec ma famille dans l’un des plus beaux endroits du monde n’a pas de prix. », a-t-il ajouté.
Capitale également, sa planification méticuleuse de l’épreuve combinant des journées à fort kilométrage et une redoutable capacité à fonctionner avec un minimum de sommeil. Impressionnant, quand on sait que, de surcroît, le traileur a dû faire face à l’attaque d’une meute de chiens sauvages. Il s’en est sorti indemne, mais l’un de ses accompagnateurs a été mordu et s’est cassé le coude. La météo ne l’a pas épargné non plus. Des pluies incessantes l’ont frappé dans la chaîne de Tararua, transformant des sentiers déjà difficiles en une rivière de boue. Des vents violents l’ont freiné sur la plage de Ninety Mile Beach et sur l’île du Sud, c’est la traversée de rivières profondes et un soleil accablant qui l’ont poussé dans ses derniers retranchements. « Karel est fatigué », devait d’ailleurs écrire l’équipe de Sabbe dans un post Instagram publié le 15 février, à quelques jours de son arrivée alors que 200 km l’attendaient encore.
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Photo d'en-tête : Karel Sabbe / Instagram- Thèmes :
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