En s’attaquant à la traversée du GR20 dans la foulée de François D’Haene actuel détenteur du record (31h06, en 2016), le traileur jurassien savait que ni la distance, ni le terrain, très technique, n’allaient le ménager. Arrivé hier à Conca, dans le sud de l’île en 32h32, il a bouclé les 180 km, avalé non sans mal les 13 800 m de dénivelé positif mais n’a jamais songé à jeter l’éponge. Interview express, au lendemain d’une des courses les plus éprouvantes de sa carrière.
Au km 83 de cette course qui en compte 180, tu as eu un « passage dans le dur », as-tu déclaré. A ce stade, est-ce que l’idée d’arrêter t’a traversé l’esprit ?
Non, jamais, car il ne s’agit pas d’une course classique, mais d’un projet particulier, monté avec des proches et avec la communauté corse. Cela aurait été totalement inconcevable pour moi. Si j’avais été épuisé au point de devoir faire une pause pour dormir, je l’aurais fait. J’aurais pris le temps qu’il fallait, mais je serais allé jusqu’au bout du parcours.
Les 15 derniers kilomètres semblent avoir été extrêmement éprouvants pour toi. Qu’est-ce qui te fait tenir dans ces moments -là ?
Même si ne va pas du tout, j’essaie de positiver. Et de relativiser. Après tout, faut arrêter de se plaindre. Je ne suis pas malheureux, je ne souffre pas de la faim, je n’ai pas de bombes qui me tombent sur la tête et je fais un truc super avec des gens que j’aime.
Et puis je visualise. Je souffrais terriblement de la chaleur, alors je projetais dans ma tête des images de mon Jura et sa verdure, nettement plus frais ! Je me rassure aussi en pensant à mes projets extra sportifs. Ça me conforte que c’est la bonne voie à suivre. Au fond, ce n’est pas très normal de se faire mal ainsi. C’est un peu pathologique, non ? Il faut peut-être faire des trucs moins engagés. Et en même temps, je sais que je vais vouloir y retourner, dès que les voyants seront à nouveau dans le vert. C’est l’être humain, dans tous ses paradoxes !
Tu dis n’avoir jamais rien vécu d’ aussi dur en 10 ans d’ultra
Je l’ai dit car j’étais à chaud ! C’était interminable et dès le 93e kilomètres mes pieds, c’était des steaks ! Je me disais : »Vivement la fin ! ». Tu es au 165e kilomètres, sous un soleil de plomb et tu vois que tu n’avances pas. J’ai eu des moments très durs sur d’autres courses. Mais cette année, je ne ferai plus aucun ultra. Rien au-delà des 80 km.
Qu’entendais-tu par « projets extra sportifs » ?
Des projets plus personnels, avec ma compagne, le projet aussi de construire ma maison durable, dans le Jura. J’ai aussi bien cerné qu’il y a un engouement pour le trail. Je pourrais valoriser ma petite notoriété et mon diplôme d’éducateur sportif pour continuer la course à pied, notamment comme organisateur de stages. J’ai une SARL et avec mon comptable, j’ai fait en sorte de penser à l’avenir. Après les compétitions, je me verrais bien transmettre ma passion pour le trail via l’encadrement et la formation.
A ce rythme-là, je ne sais pas combien de temps on peut durer dans l’ultra. Là, j’en sors épuisé, les pieds meurtris, mais ça va. Si je n’ai pas de pépin physique, je continuerais. Si j’arrête un jour, ce sera plus parce que j’y verrai plus d’inconvénients que d’avantages. Au quotidien, j’ai beaucoup de demandes, c’est beaucoup de pression. Alors que moi, je n’ai jamais rien demandé, je n’ai jamais voulu faire de sport à haut niveau. Ce qui me ferait arrêter, c’est tout ce qu’il y a autour, la communication omniprésente , hyper importantes pour les partenaires. J’ai l’impression qu’aujourd’hui on accorde plus d’importance à la communication qu’à l’activité en soi. Autrefois, c’était différent.
« Pour les prochains qui s’attaqueront au GR 20, je leur conseille de ne pas trop réfléchir », as-tu déclaré, qu’entends-tu par-là ?
Le GR20, je l’avais reconnu à la marche auparavant, en quatre jours. Je voyais bien les difficultés, j’avais une bonne appréciation de l’environnement, mais je ne le connaissais pas par cœur. Mais si tu as eu vraiment conscience du parcours, hyper engagé, très vertical, avec du dévers, tu as de quoi te faire peur, vraiment ! Donc bien reconnaître le terrain mais … pas trop.
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- Xavier Thévenard