A 16h30, ce vendredi 28 février, ils seront 39 participants, dont 7 femmes, à se lancer à la lueur de la frontale dans The Tunnel, une épreuve organisée dans le sud-ouest de l’Angleterre, qui, depuis six ans, cumule les charmes. Plus de 321 km (200 miles) dans l’obscurité totale, le froid et l’humidité. Sans assistance ni bâtons ou écouteurs, bien sûr. Et un confort proche de zéro : pas de zone de repos et pas de toilettes dans le « tube ». Résultat ? 95 % d’abandons et des risques d’hallucinations sévères, même parmi les coureurs les plus aguerris. Guillaume Arthus, recordman de la Via Alpina (2 650 km en 44 jours) en 2019, s’y est cassé les dents. Et il faut les nerfs d’acier d’un autre Français, Christian Mauduit, déjà deux fois sur le podium, en lice encore cette année, pour en sortir indemne.
Ne dites pas qu’on ne vous a pas averti ! Les candidats à The Tunnel, sélectionnés sur le volet – tous doivent avoir fait au moins un 100 miles pour se qualifier – ont tout intérêt à lire attentivement les informations fournies par le directeur de course, Mark Cockbain, sur le site de cette épreuve hors normes. « Le Tunnel est un test d’endurance extrême et de privation sensorielle. Il s’agit d’un ultramarathon de 200 miles dans l’obscurité du plus long tunnel piétonnier du Royaume-Uni. Vous courrez sur un terrain plat, mais dans l’obscurité totale entre 23 heures et 5 heures du matin (…). Le tunnel de Combe Down se trouve à Bath, dans le Somerset, et il y aura un point de contrôle à l’extrémité sud du tunnel. Vous aurez 55 heures pour courir environ 100 allers-retours, ou 200 fois la traversée du tunnel, qui est probablement l’ultramarathon le plus long jamais couru à 99 % sous terre. » Enfin, est-il précisé pour ceux qui n’auraient pas bien compris l’esprit de la course : « Il ne s’agit pas ici de voir jusqu’à quelle distance vous pouvez aller en 55 heures. Au bout de 27 h 30, si vous n’avez pas parcouru 100 miles, « you are out ! ».
Quelques points de « détails » aussi, précise le règlement : les ravitos se résument à de l’eau et quelques snacks. Pas d’écouteurs, de bâtons ou d’assistance. Pas d’espace de repos, mais vous pouvez laisser, à vos risques, un sac personnel à l’entrée du tunnel dans une zone non surveillée. Pas de toilettes à l’intérieur, seulement à l’extérieur. Obligation de courir sur la gauche, car le tunnel est ouvert notamment aux vélos. Dernier point enfin, le prix du dossard : 260 £, soit 315 euros ! Exorbitant au regard des services offerts.
Des conditions proches de la torture, qui ne semblent pas refroidir les candidats. Depuis la création de The Tunnel, en 2019, les finishers sont en effet chaque année plus nombreux. Même chez les femmes. Cette année, on en compte 7, sur les 39 participants. Notamment Agnieszka Kaminska, présente pour la 3e fois ; elle est déjà parvenue a passer sous la barre des 55 heures en 2024 et en 2023.
Une épreuve où les Français ont fait leur preuve
Les Français semblent avoir pris goût à cette promenade de santé, eux aussi. D’autant qu’ils y ont laissé un très bon souvenir. Certes, Guillaume Arthus, recordman de la Via Alpina (2 650 km en 44 jours ) en 2019, a lâché l’éponge au bout de 27 heures de course, épuisé par cette expérience qu’il qualifie de « sorte de 24h de l’extrême, destiné avant tout à apprendre à mon corps à encaisser les kilomètres. »(…) « L’objectif, c’est d’aller se faire mal. Même en pleine journée, on est dans l’obscurité totale, il y a une musique stridente en fond qui fait partie du tunnel, il est interdit de dormir et d’avoir une assistance. C’est une expérience bizarre mais unique, un monde à part, hors du temps. Tu as intérêt d’être bien dans ta tête en arrivant car on est à la limite de ce que le corps humain peut supporter. Le mien s’est complètement arrêté après 27 heures de course, j’ai pris froid et j’ai mal géré mon alimentation. Je voyais même des visages sur les murs. », dit-il.
Christian Mauduit, trois fois lauréat des Six Jours de France, y a trouvé, lui, l’un de ses terrains de prédilection. Dans cette épreuve, il dit y avoir ressenti un sentiment de liberté comparable à la traversée d’un lac à la nage. En lice encore, cette année, on l’a déjà vu dans le Tunnel par deux fois. Il arrive premier en 51 h 40 en 2021, et deuxième en 2024, mais en 46 h 49. Impressionnant quand on sait qu’au départ, il s’y était engagé un peu par dépit, expliquait l’athlète du Val d’Oise l’année dernière : En 2023, « je m’étais mangé deux ‘pelles’ : un abandon à la TransPyrénéa et une contre-performance à la Big Dog Backyard. Avec l’Ultra Tunnel, j’avais les crocs et l’envie de me refaire la cerise. Même avec un entraînement plus restreint qu’à l’accoutumée et dix kilos de plus que mon poids de forme. (…). « J’avais découvert cette course en 2021. C’était l’une des rares épreuves maintenues pendant le confinement. À trop vouloir éviter de dormir, j’avais eu des hallucinations pendant la 2e nuit » , se souvient-il.
Le secret de ses deux podiums ? Des micro-siestes de 5 à 10 minutes ; au total il ne dormira que 40 minutes. Une cadence régulière, 40 à 50 minutes de course par heure, le regard fixé sur les dix mètres de bitume devant lui pour éviter d’être perturbé par les lumières Led et les zones d’ombre du tunnel. A son menu : un wrap jambon toutes les 3 heures, des sucreries, des sodas et des boissons énergétiques.
Alors, s’il est un peu tard pour rejoindre les partants aujourd’hui, on peut les suivre en ligne. Ou, si le tableau ne vous a pas refroidi, vous porter candidat pour l’édition 2026. A moins qu’une autre des dix épreuves organisées par Mark Cockbain et sa société, Cockbain Events, ne vous tente. Toutes (course à pied, ou vélo) misent sur l’ultra endurance et ont en commun d’être très dures, proches de zéro au niveau de l’assistance et… pas données. Bien sûr on y trouve des verticales, des ultras de 200 miles, un 100 mile sur piste. Mais dans ce panel très varié, on retiendra un 50 km avec un boulet de canon de 4 kg, le Cannonball Run, 70 livres (85 euros) « seulement ». Ou encore un 330 miles à boucler en 6 jours, en totale, vraiment totale, autonomie. Coût du dossard ? 215 livres, soit 260 euros.
Article publié le 28 février, mis à jour le 3 mars 2025
Photo d'en-tête : Cockbain Events- Thèmes :
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