On a beau vouloir se mettre à un tourisme vert, solidaire, responsable, durable, équitable – ou tout autre adjectif en -able – il est souvent compliqué de s’y retrouver dans la jungle des labels. Voici quelques pistes pour y voir (un peu ) plus clair.
Il y a d’abord eu la visite au festival « Changeons d’Air(s) », le week-end dernier. Cette initiative de la Fondation GoodPlanet et plusieurs associations visait à guider les plus motivés vers des formes de tourismes plus éthiques, en adéquation avec leurs convictions. On y a croisé un public souvent ravi, mais parfois aussi un peu déconcerté face à l’immensité de l’écosystème représenté entre associations à acronymes, voyagistes, guides, etc. Une recherche internet n’ayant qu’aggravé notre problème de compréhension, nous avons appelé les deux principaux labels du secteur.
Alors que les Français sont de plus en plus conscients de la nécessité de prendre en compte les impacts économiques, sociaux et environnementaux de leurs voyages, le tourisme durable est sorti de sa niche pour devenir un secteur structuré. Il s’est notamment bâti autour de deux grands labels associatifs, celui de l’ATES (Association pour le Tourisme Equitable et Solidaire) et celui d’ATR (Agir pour un Tourisme Responsable), qui dispensent une certification selon des critères et des engagements plus ou moins stricts.
Avant de leur donner la parole, encore faut-il comprendre les termes utilisés et saisir la nuance entre les différents concepts d’équitable, durable, etc. Le chercheur français Bernard Schéou, dans son livre Du tourisme durable au tourisme équitable. Quelle éthique pour le tourisme de demain ? (De Boeck, 2009), a établi une pyramide hiérarchisant ces derniers. À la base se trouve le tourisme durable, défini par l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) comme “un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil”. Ensuite, plus on s’élève dans la pyramide, plus le degré d’exigence est haut, mais peu diffusé dans le secteur. De bas en haut, on trouve donc : le tourisme responsable, le tourisme social, le tourisme solidaire et, tout en haut, le tourisme équitable.
« Nous nous situons tout en haut de cette pyramide, dans le segment du tourisme équitable », explique Caroline Mignon, directrice de d’ATES. Les voyagistes sont obligatoirement des structures de l’économie sociale et solidaire, ils proposent une offre uniquement équitable et solidaire et doivent répondre à des critères, notamment le financement de projets locaux. « Les séjours labellisés ne dépassent jamais 12 personnes, et nous fixons aussi une durée minimum en fonction de la distance, précise Caroline Mignon. Cette exigence ne peut pas fonctionner pour tout le monde mais ATES permet de valoriser les petites structures, qui ne trouveraient pas leur place ailleurs, chez ATR par exemple, où ils accueillent de plus gros acteurs ». Comprenez « moins exigeants ».
Julien Buot, directeur de l’autre grand label, ATR, reconnaît volontiers ne pas se situer en haut de la fameuse pyramide. Il la connaît bien, il a contribué à la créer avec Bernard Schéou. D’ailleurs, avant d’être à la tête d’ATR, il dirigeait…ATES. Un petit milieu poreux, où tout le monde se connaît, sans toujours se rejoindre sur le fond ou la forme.
« Je suis presque d’accord avec Caroline Mignon, sourit-il. Nous sommes complémentaires, les bonnes pratiques d’ATES tirent l’écosystème vers le haut et augmentent le niveau d’exigence. En revanche, on trouve dans nos membres de grosses maisons mais aussi de petites agences. » ATR a pour objectif de fédérer un maximum d’entreprises du voyage et de les accompagner dans une démarche durable tout en ayant vocation à rester lucrative. « Les professionnels qui nous rejoignent sont conscients que la pérennité de leur activité passe aujourd’hui par une démarche de préservation », analyse Julien Buot.
Les Français, ces radins
Le label ATR est aujourd’hui délivré après un audit indépendant réalisé par l’organisme de certification Écocert. Parmi les critères, on trouve l’échange avec les prestataires sur les bonnes pratiques sociales et environnementales ou encore l’évaluation de l’empreinte carbone de l’entreprise. ATES, de son côté, a également basculé vers un audit externe de son label ainsi qu’une évaluation de ses séjours par des auditeurs locaux, afin de garantir son niveau d’exigence.
Si Caroline Mignon et Julien Buot se satisfont d’un secteur à plusieurs labels qui permet selon eux une réelle adaptabilité aux besoins des voyagistes – en plus d’une certaine émulation – ils déplorent en revanche les difficultés de la profession à communiquer de façon claire auprès du public. Les deux se retrouvent d’ailleurs régulièrement au sein du réseau ATD (Acteurs du Tourisme Durable), qui réunit l’ensemble de l’écosystème français du tourisme durable : le secteur du voyage (pionnier du domaine), mais aussi l’accueil (hôtellerie, restauration, parcs de loisirs), institutions et pouvoirs publics ainsi que prestataires de services (médias, start-ups, bureaux d’études, etc.) regroupés pour cogiter et mener des actions de développement. De quoi donner du poids à l’offre de tourisme durable dans et hors de l’Hexagone.
Seul bémol pour le secteur, si 66% des Français interrogés affirmaient que le tourisme responsable/éthique était indispensable, dans un sondage d’Easyvoyage, mené l’an dernier auprès de plus de 2 000 internautes, ils ajoutaient aussi ne pas être prêts à payer plus cher pour autant, estimant que ce n’était pas leur rôle d’assumer ce coût supplémentaire. « Les gens ont fini par accepter de payer plus pour du bio ou dans leur AMAP, ça n’est pas encore le cas pour le voyage, mais cela devrait finir par arriver », espère Caroline Mignon.