En 1970, Reinhold Messner, 25 ans, et son frère Günther, 23 ans, sont les plus jeunes membres d’une expédition allemande sur le versant Rupal du Nanga Parbat (8 125 m). C’est leur baptême himalayen. Le 28 juin, ils parviennent au sommet, puis disparaissent. Sept jours plus tard, Reinhold, seul, les pied gelés, rejoint ses compagnons dans la petite ville pakistanaise de Gilgit. On ne retrouvera jamais le corps de son frère. Une disparition entachée de polémiques sur laquelle revient le célèbre alpiniste dans un film très personnel de 1h25. A découvrir jusqu’au 30 août 2021.
Les Pakistanais l’appellent Damir, le « roi des montagnes ». Les alpinistes le surnomment, eux, « la montagne tueuse ». Au nord du Pakistan, à l’extrémité occidentale de l’Himalaya, le Nanga Parbat culmine à 8 125 mètres avec, sur sa face sud, une barre verticale de 4 550 mètres, la plus haute paroi rocheuse du monde. Un défi monstrueux qui a aiguisé les rêves des aventuriers du monde entier. Mais pour Reinhold Messner, l’alpiniste italien qui a révolutionné l’alpinisme en Himalaya, le premier homme au monde à avoir atteint les quatorze sommets de plus de 8000 mètres présents sur terre, le Nanga Parbat est le lieu d’un « traumatisme psychosomatique où s’est forgé e -son- identité d’alpiniste de l’extrême », comme il l’explique dans « La montagne nue », récit publié aux Éditions Guérin en 2004.
Avec « Tragédie sur le Nanga Parbat », documentaire de 1h25 disponible en streaming sur ARTE à compter du 1er juillet, Messner revient donc une fois de plus sur l’affaire qui le hante depuis plus de cinquante ans maintenant : la disparition de son jeune frère, Günther, qui aurait été emporté par une avalanche lors de leur ascension commune du Nanga Parbat, en juin 1970. Une expédition qui apporta à Reinhold la gloire mais aussi combien de tourments. Les conditions de la mort de Günther – son frère cadet mais aussi son compagnon de cordée avec lequel il avait déjà réussi dans les Alpes des ascensions parmi les plus difficiles à l’époque – restant encore assombries par des zones obscures.
Devenu depuis une légende vivante de l’alpinisme, Reinhold Messner reste tourmenté par cette tragédie. Au point qu’en 2003, il s’en prend à ses anciens compagnons du Nanga Parbat, qui selon lui seraient responsables de la mort de son frère pour n’être pas venus à son secours sur l’autre versant de la montagne. Accusés, ces derniers laisseront entendre alors que contrairement au récit de Reinhold, il se serait séparé de Günther au sommet. Sa responsabilité serait donc en cause. Plus de quinze ans plus tard, en 2019, l’Italien n’a toujours pas trouvé la paix et il revient avec son fils Simon dans ce Népal mythique qui l’a vu, presque un demi-siècle plus tôt, « abandonner sa vision romantique et idéalisée de la montagne ».
C’est à une émouvante « marche du souvenir » que convie ce documentaire aux panoramas impressionnants. Âgé de 75 ans en 2019, mais toujours alerte, comme si les conditions extrêmes de ses ascensions l’avaient endurci et protégé des affres de la vieillesse, Reinhold Messner passe le flambeau à son fils tout en rendant hommage à son frère. Un film très personnel, dans lequel l’alpiniste raconte, de son point de vue, la tragédie de 1970. Grâce à des archives d’époque inédites, il livre sa vérité et évoque ses traumatismes qui l’ont accompagné lors de ses multiples exploits.
Documentaire disponible jusqu’au 30 août 2021
Photo d'en-tête : Shahzad Riaz