La traversée des États-Unis d’Est en Ouest au pas de course, 6000 km en cinq mois, c’est l’expédition dans laquelle s’est lancé en 2016 le champion de trail américain Rickey Gates, pour mieux connaître les électeurs qui, cette année-là, votaient pour la première fois en faveur de Donald Trump. Il en a tiré « Transamericana », un documentaire de 1h15 où l’introspection prend le pas sur la performance sportive. Un film plus spirituel que politique, qui fait sens à la veille des nouvelles élections américaines.
Rickey Gates l’admet, il connaît mieux le reste du monde que son propre pays, les États-Unis. Une nation qui, en 2016, s’apprête à mener Donald Trump à la Maison Blanche. Une incompréhension totale pour ce trailer de haut niveau, originaire du Colorado, qui a notamment remporté la médaille de bronze aux championnats du monde de course en montagne longue distance, en 2010.
« En regardant la carte des États-Unis, je me suis rendu compte que j’avais passé plus de temps au Royaume-Uni qu’au Kansas, Alors que cet Etat est juste à côté du Colorado. Alors j’ai voulu voir du pays. (…) Car en voyant les résultats des élections, et en constatant que cette autre personne (Donald Trump, ndlr) bénéficiait de bien plus de soutien que je le pensais, j’ai réalisé que je ne connaissais pas du tout mon pays », raconte Rickey Gates dans « Transamerica ».
Cinq mois et 6000 km
Pendant cinq mois, en pleines élections présidentielles, Rickey Gates a traversé les États-Unis à pied, parfois en SUP sur des rivières, et en dormant dehors avec les moyens du bord. Une aventure pour relier les deux océans, en partant de Caroline du Sud jusqu’à San Francisco, en Californie – soit 6000 km. Et ce qui devait être une quête de l’Amérique s’est peu à peu transformé en quête de soi.
On a parfois l’impression de retrouver, à travers « Transamericana », la tonalité d’un « Into the Wild » – mais sans fin tragique. Rickey Gates a vendu sa voiture le jour même de son départ de Charleston, de quoi financer son voyage. On le voit également passer du temps avec des inconnus, pour essayer de comprendre les mécanismes de ces vies si différentes de la sienne. « Nous sommes dans un monde où il est devenu si simple de vivre dans des bulles séparées », réalise-t-il.
Dans « Transamericana », c’est avant tout un Rickey Gates humble que l’on découvre. Aucune prétention de son passé de coureur professionnel ne déteint sur le récit de ce parcours. « Le record de la traversée du pays en course à pied est de 42 jours. Quand je suis parti, je n’avais ni l’intention ni le désir de le battre. (…) Je ne suis pas la première personne à traverser le pays à pied. Mais aux yeux des gens que j’ai rencontrés, le personnage de Forrest Gump est la seule autre personne qu’ils connaissent à avoir fait une chose comme ça. »
De la performance à l’introspection
Et peu à peu, toute la dimension sportive de la course s’est effacée de son champ de vision. « Pendant la traversée, je n’ai pas tant échangé que ça sur la politique. On a surtout parlé des choses qui importaient à chacun, ce qui était bien plus révélateur pour moi ». Une réflexion qui l’a mené à une introspection sur sa réelle motivation à courir 6000 km dans des forêts enneigées, à ramer dans des rivières au fort courant ou encore survivre dans le désert, presque sans eau ni nourriture.
« Vous passez par cette expérience d’enseignement énorme pour revenir là où vous avez commencé, en réalisant que vous saviez tout avant de partir et que vous n’aviez pas besoin de faire tout cela. Liz (sa compagne, ndlr) n’était pas le problème. Donald Trump n’était pas le problème. Mais est-ce que j’aurais pu faire autrement ? Je n’en suis pas totalement sûr. J’ai l’impression que j’avais besoin de passer par cette épreuve », conclut-il en faisant escale à Aspen (Colorado, ndlr), la ville de son enfance.
« Transamericana », est donc une expédition aux allures spirituelles, qui a mené Rickey Gates à « ne plus considérer la course comme un sport, mais comme un moyen de rencontrer des gens et partir à la recherche de soi-même, à son plus profond niveau ». Le film, sorti aujourd’hui sur YouTube, est d’ailleurs l’adaptation du livre écrit par le coureur, Cross Country, paru en avril dernier (uniquement en anglais pour le moment).
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