Montane Winter Spine

Ultra-trail : Pourquoi l’infernale Winter Spine Race affiche complet chaque année

  • 15 janvier 2025
  • 4 minutes

C’est la « Barkley anglaise », n’hésitent pas à dire certains. Pas de Lazarus Lake ici, mais ce n’est pas mal non plus pour qui aime le trail pur et dur, en quasi-autonomie, et par un temps pourri. D’ailleurs, à l’heure où nous bouclons cet article, ils sont plus de 150 traileurs à courir dans le froid et sous la pluie le long du Pennine Way National Trail à travers le nord de l’Angleterre. Partis le 12 janvier de Edale, dans le Peak District, leur objectif est Kirk Yetholm, à la frontière entre l’Angleterre et l’Écosse. Une partie de plaisir qui pourrait se résumer en quelques chiffres – 268 miles (431 km) et 10 732 m de D+. Mais ce serait oublier son ambiance très particulière qui depuis sa création en 2012 séduit parmi les meilleurs traileurs du monde. De l’incroyable britannique Jasmin Paris – vainqueure de l’épreuve en 2019, en passant par la Française Claire Bannwarth, gagnante 2024, ou encore John Kelly. Favori de l’édition 2025, l’Américain est toujours en lice, mais c’est le Britannique Kim Collison, que l’on devrait voir monter sur le podium dans quelques heures.

Bien sûr on peut choisir la version « été » de la Spine race, et découvrir le long de ses 431  km et 10 732 m de D+, certains des plus beaux paysages de toute l’Angleterre. A savoir la Pennine Way, le Peak District, les Yorkshire Dales, le parc national du Northumberland ou encor le mur d’Hadrien. Et chaque année les candidats ne manquent pas. Mais le nec plus ultra, c’est quand même la version hiver. Au plus froid de janvier, où l’on est sûr de trouver des températures inférieures à zéro (jusqu’à -10°C la nuit), une pluie glaciale, de la neige et des vents violents. Un cocktail à savourer sur trois à cinq jours. Non-stop, ou presque, la privation de sommeil faisant aussi partie du lot. De quoi décrocher le titre de « course la plus brutale de Grande-Bretagne ».

Montane Winter Spine
(Montane Winter Spine)

Privation de sommeil, hallucinations

Il faut dire qu’on la doit à deux experts en la matière. Phil Hayday-Brown et Scott Gilmour. Ces deux-là avaient déjà fait leurs armes dans l’organisation du Polar Challenge, un parcours de 320 miles entre le nord du Canada et le pôle Nord. Et ils se demandaient bien où ils pourraient créer l’équivalent au Royaume-Uni, pays de coureurs durs à cuire. La Pennine Way et son terrain varié et difficile les a vite convaincus.  Et si en janvier 2012, seuls 15 candidats étaient au départ de la première édition, à Edale, dans le Derbyshire ( dont trois seulement seront finishers), il suffit de deux ans pour lancer cette course, vite dotée d’une sacrée (méchante) réputation. Il faut dire que l’arrivée des trackers GPX avaient aidé beaucoup. Désormais, inutile d’aller se geler sur le terrain pendant des jours au milieu de nulle part pour suivre les valeureux traileurs, il suffisait d’un écran de téléphone. Les médias ont fait la suite. Son succès n’a jamais été démenti depuis, au point qu’il affiche systématiquement complet, car ce qui plait aussi, c’est son étonnante simplicité.

Ici, pas d’étapes obligées, contrairement à la Dragon’s Back, course britannique très méchante à laquelle on la compare parfois. Vous vous arrêtez et vous dormez où vous voulez. Et vous prenez la responsabilité de votre propre sécurité : le coup de génie de la part des organisateurs ! Résultat, la Spinerace semble plus facile que sa concurrente et ses barrières horaires, mais elle est sans doute le meilleur moyen de vivre les hallucinations les plus délirantes pour un coureur, suite à la privation de sommeil.

Montane Winter Spine
(Montane Winter Spine)

En lice, des traiteurs très très aguerris

Pour la gagner, mieux vaut donc savoir gérer sa course, comme nous le racontait l’année dernière, la Française l’Alsacienne Claire Bannwarth, 34 ans. En 2024, c’est elle qui décroche devait la victoire féminine (5e au scratch) de la Spine Race (431 km et 11 000 D+, en 92 heures) dans des conditions glaciales (jusqu’à – 15°C). Sans oublier le verglas. « J’ai eu un peu de mal à gérer le sommeil », expliquait-elle. « D’habitude, j’essaie de dormir aux ¾ de la course en général, au kilomètre 260. Je fais vraiment aux sensations. Mais là, impossible. Je pense qu’il y avait trop de bruit. Que je n’étais peut-être pas assez fatiguée. Ou peut-être que j’avais pris trop de café. Impossible de fermer l’œil, donc on a fait sans, ce n’est pas grave. À la fin de la course, j’ai eu de bonnes hallucinations. Mais sinon, ça s’est très bien passé.». 

La traileuse ajoutait d’ailleurs qu’elle avait pris « beaucoup de plaisir à cette course ». Il est vrai qu’elle avait déjà un CV très solide, ne serait-ce que pour sa saison 2023 : record féminin sur la Backyard (61 tours), FKT sur le Colorado Trail (800 km ; 27 000 D+) et première femme à remporter le Tahoe 200 (330 km ; 5500 D+) au scratch.

Une pointure, donc. Tout comme l’incroyable Jasmin Paris, qui bien avant elle, en 2019, avait marqué les esprits en devenant la première femme à remporter la Montane Spine Race (268 miles – 431 km) au Royaume-Uni, battant le record du parcours de 12 heures, tout en prenant le temps de tirer son lait pour sa fille de 14 mois ! Cinq ans plus tard, c’est sur la Barkley qu’on la retrouvait, où elle s’imposait comme la première femme à boucler cette épreuve.

Ni l’une ni l’autre ne sont là, cette année, contrairement à 2024 où neuf des dix derniers vainqueurs masculins et la championne en titre s’étaient alignés. Aussi John Kelly, vainqueur en 2020 et détenteur du Pennine Way FKT, était-il annoncé comme le favori. Mais à l’heure où nous bouclons cet article il est derrière Kim Collison, en tête depuis le début de la course, et bien parti pour la gagner. Il compte à son actif la Swiss Peaks Trail 360 l’année dernière, mais il a échoué à chacune de ses trois tentatives sur la Winter Spine. 2025 devrait marquer enfin sa revanche. Chez les femmes, pas de Françaises non plus, cette année. Et c’est la Britannique Lucy Gossage (3e fémine l’année dernière sur cette épreuve ) qui semble avoir pris une avance significative sur sa compatriote, Robyn Cassidy… gagnante du Dragon’s Back 2023 !

Montane Winter Spine
(Montane Winter Spine)

Les records de la Winter Spine Race
2024 : Jack Scott établit un nouveau record masculin et général avec un temps de 72 heures 55 minutes et 5 secondes. Le précédent était celui de Jasmin Paris qui en 2019, affichait au chrono 83:12:13. Temps qui reste le record féminin.


Pour suivre la Winter Spine Race, actuellement en cours, c’est ici.

Photo d'en-tête : Montane Winter Spine