En découvrant qu’un certain Devon Levesque, « influenceur » de son état, avait le 21 mai dernier fait « le premier back flip au monde » sur l’Everest, on reste sans voix. Et de se demander jusqu’où Chomolungma, la montagne sacrée des Népalais, va continuer d’être piétinée sur la scène offerte par Instagram et TikTok. Scène chaque jour plus pathétique.
On croyait avoir tout vu sur l’Everest. Et bien non. Après les concerts, les nudistes, les lancements de frisbee, voici que le Toit du monde fait office de trampoline. Une prestation commise par un Américain, Devon Levesque – instagrammeur comptant 1 million de followers et se décrivant comme un « entrepreneur en série et philanthrope » – qui le 21 mai, revendique une « première » : un backflip sur le sommet. Publiée le jeudi 24 mai, son inévitable vidéo, accompagnée du tube de 1976 de Steve Miller « Fly Like an Eagle », a engrangé à ce jour 121 074 likes. C’est peu, à l’aune d’Instagram. Mais encore beaucoup trop.
On y voit Devon Levesque prendre une bouffée d’oxygène via son masque avant de lancer : « Bonjour depuis le sommet du mont Everest » et effectuer ensuite un saut périlleux arrière. Crampons au pied, il atterrit sans s’emmêler dans ses cordes de sécurité. Une « performance » qu’il va pouvoir ajouter à un palmarès déjà confondant de vacuité : un marathon en « bear crawl » ( marche de l’ours) que personne n’avait noté jusqu’à présent, ou déjà oublié.
Au fil des ans, le gouvernement népalais a tenté de limiter les inepties en haute altitude sur le sommet en demandant aux alpinistes de respecter la montagne et en refusant les certificats de sommet à ceux dont les actions sont jugées inacceptables. En 2023, ont ainsi été sanctionnés l’alpiniste mexicain Juan Diego Martinez Alvarez, qui avait joué du piano électrique au sommet, ainsi que l’alpiniste russe Katya Lipka, qui y avait déployé un drapeau ukrainien et une bannière « Free Navalny » pour protester contre l’invasion russe de 2022.
Le backflip de Devon Levesque pourrait toutefois contourner certaines des règles qui régissent le sommet. Pour limiter les comportements jugés « irrespectueux » sur le mont Everest, les autorités népalaises demandent aux alpinistes d’obtenir l’autorisation des responsables du département du tourisme avant d’emporter des objets au sommet, notamment des drapeaux, des banderoles et des panneaux. Mais l’Everest Chronicle rapporte que les règles de conduite exigent également que les alpinistes informent les responsables du tourisme de toutes les activités qu’ils ont l’intention d’entreprendre au sommet de l’Everest. Pas sûr que ce soit le cas pour Levesque qui, sanctionné ou pas, risque de faire des émules tentés de faire toujours « plus ».
Photo d'en-tête : @devonlevesque