Parcourir la France en bivouac via des chemins pittoresques et oubliés, telle est l’idée de Sophie Chanvril, une randonneuse bretonne revenue de la traversée du Pacific Crest Trail aux Etats-Unis. Baptisé « Chemin Sauvage », son itinéraire en gestation s’orchestre autour de bénévoles qu’elle est en train de recruter.
Aventurière dans l’âme, Sophie Chanvril, 50 ans, a parcouru le Pacific Crest Trail – soit la traversée des États-Unis du Sud au Nord en passant par la Californie, l’Oregon et l’état de Washington – en 2017. De cette épopée, popularisée par le film « Wild » (2015) de Jean-Marc Vallée, elle est revenue changée, avec l’idée de développer le même genre d’itinéraire en France. Les cinq mois de traversée et les quelques 3475 kilomètres effectués au pays de l’oncle Sam l’ont conduite à créer, le 6 avril dernier, son association « Le Chemin Sauvage », qui vise à réunir des bénévoles avides de randonner en bivouac et d’ouvrir un nouvel itinéraire à travers une France méconnue.
3 000 kilomètres de sentiers méconnus
Inspirée par le livre Sur Les Chemins noirs de Sylvain Tesson, dans lequel l’auteur parcourt la France rurale et abandonnée, Sophie Chanvril aspire à « labelliser » sa propre diagonale du vide. « L’idée est de baliser ce sentier en partant de Bretagne, près de Saint-Brieuc, pour descendre en direction de Crozon puis traverser le massif armoricain et marcher en direction du Massif Central jusqu’aux Pyrénées et à l’Ariège pour ensuite remonter vers le Morvan et les Ardennes », détaille l’entreprenante cinquantenaire.
Soixante personnes se sont réunies au Café Rollais de Saint-Brieuc le 23 novembre dernier lors de la réunion publique de l’association, comme pour montrer l’intérêt croissant d’une catégorie de Français envers l’itinérance en bivouac. Sur les 3 000 kilomètres de sentiers, les randonneurs devraient rompre avec l’urbanisation et plonger dans l’hyper-ruralité, celle de « La Diagonale du Vide », ainsi qualifiée par l’auteur Mathieu Mouillet dans son ouvrage paru en 2018, autre source d’inspiration de Sophie Chanvril.
Pour arpenter les fameux sentiers noirs, ceux qui apparaissent sous la forme d’un fin liseré noir sur les cartes IGN au 1:25000, l’aventurière originaire de Saint-Brieuc va devoir mobiliser nombre de bénévoles – ils sont 20 adhérents pour l’instant – afin de vérifier la faisabilité et l’accessibilité de ces chemins. « On prépare nos itinéraires idéaux en amont sur une carte qu’on annote en fluo et une fois sur place, si le sentier respecte les indications données par la carte, à savoir l’éloignement des principaux axes routiers, la traversée de petits villages, des points d’eau et des espaces de bivouac et de ravitaillement potentiel, on le valide », explique Sophie, ravie de voir l’engouement des bénévoles pour vérifier ces chemins. « Si certaines portions ne posent aucun souci, d’autres impliquent des aménagements ou des permissions, c’est donc vers les mairies qu’on se tourne pour les questionner sur la possibilité d’emprunter certaines voies », renchérit-elle, ajoutant que les adjoints et les maires perçoivent son projet de manière très positive. A ce jour l’association a validé les trois premiers jours de marche au départ de Saint-Brieuc, soit une petite centaine de kilomètres.
Un anti « chemin de Compostelle »
Mais rendre populaire et accessible un sentier de randonnée qui se veut justement méconnu, naturel et éloigné du trafic de certains GR alpins n’est-ce pas antinomique ? « Malgré toute la bonne volonté de nos bénévoles et de notre association, je ne pense pas qu’on arrivera à en faire un sentier comparable à celui de Saint-Jacques de Compostelle », s’amuse la randonneuse, consciente que son projet de chemin de randonnée s’adresse à une niche de passionnés du bivouac et de l’autonomie. « C’est très sélectif de créer ce « chemin sauvage » mais pleinement assumé et volontaire. Une semaine sans douche ni linge propre, c’est exactement ça qu’on veut proposer aux gens. Sortir de sa zone de confort est notre ligne de conduite », ajoute Sophie, convaincue de pouvoir mener son projet à terme.
Renouer avec la France rurale et perdue sans contrainte matérielle pourrait faire renaitre certains petits villages, peut-être aussi au risque de les rendre finalement populaires… « On veut plus que tout garder notre âme », appuie celle qui a traversé le Pacific Crest Trail, il y a deux ans. Le succès grandissant de l’itinéraire américain a engendré la mise en place d’un système de permis de trek avec un maximum de cinquante randonneurs par jour au départ. Le revers de la médaille du succès…
Le projet du « Chemin Sauvage » a besoin de nombreux bénévoles, si vous souhaitez vous renseigner ou participer, c’est ici.
Pour contacter l’association par email : lecheminsauvage@gmail.com