Pas toujours facile de décrocher un emploi quand on est un jeune du 93, en banlieue parisienne. Mais pour l’association APART le plus court chemin, et le plus durable surtout, passe par la découverte du sport en pleine nature, et notamment par le trekking en haute montagne, école de l’effort, de la persévérance, du respect de l’autre et source de confiance en soi. Déjà deux expéditions à son actif. Et une troisième en ligne de mire cette année, un projet soutenu par HOKA ONE ONE .
En mars 2015, c’est dans la chaîne de l’Himalaya, au Népal, qu’APART, lance sa première expédition. Objectif : l’ascension du Kalla Pattar, 5.545 m. Ambitieux pour cette association existant depuis 16 ans, basée à Tremblay, en Seine Saint-Denis, l’un des départements les plus défavorisés d’Ile de France, mais aussi l’un des plus riches en initiatives à destination d’une population très jeune, en forte demande de formations et d’emplois. En s’attaquant au mythique Himalaya, Samir Souadji, Directeur d’APART, et son équipe avaient mis la barre très haut. Et ils ont eu raison. A l’issue d’une année de préparation, onze jeunes, garçons et filles, tous passionnés de sport, se sont lancés dans l’aventure. Et huit d’entre eux ont atteint le sommet, dont trois filles. De ce périple est né en 2016 un film réalisé par Bruno Peyronnet, « Par-delà les hauteurs », sélectionné par les festivals de films de Dijon, La Rochelle et Autran, où il sera primé.
Du Népal au Kilimanjaro
Exploit sportif à forte portée symbolique, cette ascension est au cœur d’un projet d’insertion patiemment planifié. Chacun des jeunes de la cordée « Fraternité » avait été suivi pendant un an par un « tuteur » et des éducateurs d’APART. Leur but ultime : s’insérer sur le plan social et professionnel. Un vrai défi qui s’est avéré payant : dix jeunes sur onze ont aujourd’hui une situation stable et un vrai projet professionnel via une embauche ou une formation qualifiante. Dès lors, pas question de s’arrêter là pour l’association.
En 2018, c’est vers le toit de l’Afrique que les jeunes d’APART se dirigent : le Kilimanjaro (5 896m). Le nom fait fantasmer. Cette fois, c’est six jeunes du 93 qui sont volontaires. En plein tournant de leur vie professionnelle, ils sont accompagnés pour gravir cette étape comme un sommet de montagne. « L’ascension du Kilimanjaro est là pour formaliser cet enjeu, au-delà d’une aventure humaine hors du commun, d’un challenge qui met les jeunes face à leurs propres craintes, au dépassement de soi », explique APART. Un projet concluant : l’ensemble du groupe est aujourd’hui inscrit dans un parcours professionnel stable.
Des mois de préparation au trek
Cette année, c’est vers le Maroc et le Chili que s’envoleront les jeunes de l’association. Deux treks en haute montagne, soutenus sur le plan logistique par HOKA ONE ONE, sont en cours de préparation depuis quelques mois déjà. Les jeunes femmes, encore sous-représentées au sein de l’association, y seront particulièrement accompagnées, explique Samir Souadji, 15 ans d’expérience d’éducateur de rue. En cette fin janvier, trois d’entre elles ont rendez-vous dans les locaux de l’association pour une séance de préparation physique qui doit se dérouler non loin de là, dans la forêt de Fontainebleau. Un vrai parcours du combattant pour ces jeunes disséminés aux quatre coins d’un vaste département. Souvent non motorisés, dépendants de transports en commun chaotiques, arriver à l’heure au rendez-vous ce matin-là relève pour certains du défi. C’est le cas notamment pour Soukaïna, 18 ans. Basée à Pavillons-Sous-Bois, la jeune fille qui vise une formation de monitrice éducatrice, ne parviendra pas à nous rejoindre, faute de RER.
Mais Mariam et Imane sont, elles, déjà prêtes, chaussures de trekking au pied. A 22 ans, Mariam, d’Aubervilliers, rêve de travailler dans l’événementiel, cependant qu’Imane, 20 ans, de Noisy-Le-Sec, suit une formation pour devenir éducatrice sportive. A leurs côtés, deux garçons se préparent eux aussi pour les expéditions 2020. Moussa, 20 ans, de Pantin, dont le projet professionnel est de devenir ambulancier. Et Mehdi, de Sevran, 20 ans lui aussi. Passionné de sport et surtout très motivé pour s’en sortir, il travaille activement à son projet professionnel aux côtés d’Apart.
« C’est l’identité de nos quartiers »
Accompagnés de leurs coaches sportifs, le petit groupe s’est attaqué aux sentiers et aux rochers de Fontainebleau. Lieu mythique de l’outdoor pour bon nombre de Parisiens mais terra incognita pour la plupart des jeunes du 93, pourtant bien plus proches géographiquement. « Les jeunes des quartiers n’ont pas accès à ces endroits-là, c’est une question de mobilité très complexe qui les freine également dans leur projet professionnel », explique Samir. « Mais l’idée, c’est qu’ils sortent aussi de leur quotidien, de leur quartier, de leur démontrer qu’on peut faire du sport autrement que dans une salle, que dans un club. De les sortir de ce qu’ils connaissent depuis tout petit, le football, la boxe ou le handball. Avec APART, on essaie de leur faire découvrir le monde des sports en pleine nature. J’entends souvent : ‘Samir, c’est pas des sports pour nous. C’est pas l’identité de nos quartiers ‘. Nous on lutte contre ça, on met un point d’honneur à leur faire découvrir ces pratiques et à leur montrer qu’ils ont la capacité de se lancer en montagne.
Il ne faut pas se voiler la face, se payer un équipement pour faire de la montagne a un coût, ce n’est pas accessible à tout le monde, mais au-delà de l’aspect financier, c’est une question de connaissance, de philosophie, car quand on est en pleine action, qu’on leur permet de se lancer, alors ils apprécient et ils en redemandent même. », explique l’éducateur.
« La montagne, plus tu en fais, plus tu la kiffes »
Une découverte dont témoigne volontiers l’un des ambassadeurs d’APART, Nadir Dendoune. Issu de la Seine Saint-Denis, sans aucune expérience de l’alpinisme, il s’est illustré en 2008 en brandissant pour la première fois le drapeau du 93 au sommet de l’Everest, devenant dans la foulée le premier franco-algérien à atteindre le toit du monde. Une aventure extraordinaire qui a donné matière à un film sorti en 2017, « L’ascension », réalisé par Ludovic Bernard avec Ahmed Sylla.
« L’Everest, je l’ai fait à presque 36 ans », raconte Nadir Dendoune aujourd’hui journaliste, écrivain et réalisateur, mais toujours domicilié dans le 93. « Moi, je pars plutôt seul, je suis un solitaire. Mais à l’âge des jeunes accompagnés par APART, ça m’aurait branché, ces expéditions. A l’époque, on ne parlait que de foot et de boxe. Pas de montagne. Ce n’était pas pour nous. Des sports de riches ou de blancs. Ce qu’on nous montre à la télé, ce sont des petits bourgeois qui font de la montagne.
Quand tu es jeune tu as besoin de pouvoir t’identifier. Alors quand Apart m’a contacté, j’ai dit oui forcément. Quand tu viens du 93, c’est comme quand tu es corse ou breton! C’est le département le plus montré du doigt, mais nous, on en est fiers. J’habite là où j’ai grandi, à L’Ile Saint Denis. La vie y est riche. On y compte beaucoup de sportifs et d’artistes, mais il faut y vivre pour le savoir.
Je suis très très fier de ce qu’ont fait ces jeunes. Ils ont fait un sommet. Mais bien plus encore, ils ont développé une vraie passion. Au début, la montagne, c’est bof, mais plus tu en fait, plus tu la kiffes. C’est un sport où tu ne triches pas. On est tous à égalité. Quand tu marches avec un mec, tu t’en fous d’où vient le mec !
« Au fond, je suis un montagnard »
L’Everest, c’est la pire épreuve de ma vie. J’ai mis du temps à refaire de la montagne après ça. Mais depuis, j’ai fait le Mont Blanc, l’Aconcagua, le Kilimanjaro. J’ai un CV à l’envers, moi ! (Rires). Et puis, tous les ans, je vais dans les Pyrénées pour faire du ski de fond, je kiffe à fond. Je fais aussi des treks et des petites randos. Je suis fan de la montagne. Je l’ai découverte en colo, dans le Queyras, et depuis, elle m’apaise, moi qui supporte de moins en moins la ville. Et elle me fait toujours rêver. Ce n’est peut-être pas un hasard : au cours du tournage de mon dernier film, qui revient sur le parcours de ma mère, j’ai découvert que mes deux parents étaient des fils de paysans, de bergers de montagnes de Kabylie, en Algérie. Des montagnards. Ça m’a fait du bien, de sentir ce lien ».