Egan Bernal, Geraint Thomas, Christopher Froome, Julian Alaphilippe, Chloé Dygert, Anna van der Breggen … Ils seront tous là. Dès juillet, les équipes pros vont pouvoir s’affronter dans une version numérique du Tour qui sera diffusée aux fans. En attendant le départ du tour « en vrai », prévu le 29 août. Mais les amateurs ne seront pas en reste, la très attendue « Etape du Tour » leur sera aussi ouverte.
Coureurs et fans ont dû se faire à l’idée : pandémie oblige, cette année, le Tour de France n’aura pas lieu en juillet, du jamais vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais en attendant la course sur route qui devrait se dérouler du 29 août au 20 septembre, ils vont avoir de quoi s’occuper … en ligne.
Comme tous les sports, le cyclisme a été stoppé net en mars par le Covid-19. Dans son sillage, les courses virtuelles, via des plateformes en ligne multi-joueurs, ont tenté de combler le vide de la compétition, histoire de faire patienter les coureurs et tous les passionnés de vélo. Or, la semaine prochaine, cette discipline encore toute jeune va s’offrir la plus belle vitrine dont on puisse rêver : un Tour de France virtuel, via Zwift, #1 mondial des courses cyclistes. Comme on peut l’imaginer, les pros en manque de compétition ont sauté sur l’occasion. Vingt-trois des meilleures équipes masculines et 17 équipes féminines participeront à l’événement.
Parmi les noms confirmés pour l’épreuve masculine figurent les trois derniers vainqueurs du Tour : Chris Froome, Geraint Thomas et Egan Bernal, tous membres de la puissante équipe Ineos. Mais aussi : Julian Alaphilippe, Richie Porte, Greg Van Avermaet, Mathieu van der Poel, Nairo Quintana, Mads Pedersen, Warren Barguil et Romain Bardet.
Du côté féminin, la triple championne du monde sur route Marianne Vos, la championne olympique Anna van der Breggen et la championne du monde de contre-la-montre en titre Chloe Dygert devraient s’affronter pour défendre les couleurs de leur team. Respectivement, CCC Liv, Boels-Dolmans et Team Twenty20. Sans parler de Chantal Blaak, Coryn Rivera, Marta Bastianelli, Lisa Brennauer, Kirsten Wild, Elisa Balsamo ou encore Tiffany Cromwell, également attendues.
Tous semblent hyper motivés. A commencer par Chloe Dygert : « Je suis motivée pour gagner tout et n’importe quoi. C’est génial d’avoir cette opportunité à notre disposition, pandémie ou pas », a-t-elle déclaré.
Une course en équipe
Concrètement, comment cela va-t-il se dérouler ? Par rapport au Tour traditionnel, on relève quelques différences de taille: six étapes au lieu de 21, toutes se déroulant le week-end ; les équipes inscrivent quatre coureurs par étape et peuvent échanger leurs coureurs pour d’autres étapes ; et bien que les maillots de leader habituels soient conservés, la course est essentiellement disputée par équipes selon un système de points, plutôt que d’attribuer un vainqueur individuel au temps. Ce qui signifie qu’après la course réelle de septembre, nous n’aurons pas deux vainqueurs au classement général du Tour pour 2020).
Mais la différence majeure tient sans doute au fait que sur Zwift, les coureuses élites vont pouvoir courir les six étapes des hommes, sur les mêmes parcours et les mêmes distances. Rien à voir avec la maigre course d’un jour qu’on concède aux femmes dans la vie réelle.
« Chaque fois que nous bénéficions de l’égalité des chances avec les hommes, le peloton féminin et les fans de courses féminines sont très enthousiastes », a déclaré la championne nationale américaine actuelle, Ruth Winder, qui disputera au moins deux étapes pour son équipe Trek-Segafredo. « Et je pense même que les femmes pourraient y gagner encore plus de spectateurs car il ne s’agit pas de n’importe quelle course, mais du Tour de France. Et en juillet, ce grand rendez-vous va cruellement manquer à tout le monde ».
ASO convaincue par le « Tour for all »
L’idée d’un Tour virtuel n’est pas totalement nouvelle. En décembre 2018, après une massive levée de fonds visant notamment à créer un circuit de course d’élite, le co-fondateur de Zwift, Eric Min, s’était fixé l’objectif très ambitieux de faire de la course cycliste virtuelle un sport de démonstration olympique d’ici 2024. Et il n’avait pas caché alors son intention d’organiser des étapes virtuelles du Tour.
Mais ce qui a vraiment rendu le Tour virtuel possible, selon Eric Min, c’est « Tour for All « , compétition organisée en mai par Zwift : une série de courses de cinq jours destinée aux meilleures équipes masculines et féminines, diffusée sur la chaîne câblée Eurosport. ASO, promoteur de la Grande Boucle, aurait visiblement été convaincu par l’épreuve et aurait alors proposé de s’associer avec Zwift pour créer un Tour virtuel.
Il est vrai que la plateforme a de l’expérience en la matière. Elle a organisé d’autres courses d’élite en ligne, dont un championnat du monde officiel, à l’automne dernier. Mais cette fois, elle aborde le Tour virtuel de manière un peu différente.
Va-t-on vraiment « s’y croire » ?
Les deux premières étapes se dérouleront dans l’univers de jeu existant de Zwift, Watopia. Mais Zwift et ASO tenaient à ce que les étapes se déroulent dans des versions virtuelles de parcours réels de la course, y compris l’emblématique arrivée sur les Champs-Élysées. Avec un peu moins de deux mois pour mettre tout ça en place, Zwift n’a pas pu réaliser tout ce qu’il voulait. Sur l’étape du Mont Ventoux, par exemple, le spectateur ne verra pas son sommet pelé. Mais, selon Eric Min, le rendu est aussi fidèle que possible. « Au final, on a vraiment l’impression d’être dans la campagne française », explique-t-il.
Côté stratégie de diffusion de l’événement, Zwift se montre aussi nettement plus ambitieux que pour le « Tour for all » : les images seront diffusées dans plus de 130 pays.
Alors, à quoi cette course virtuelle va-t-elle ressembler ? Les spectateurs habitués aux courses d’élite de Zwift savent que l’action peut s’avérer un peu difficile à suivre, car les avatars surgissent sur l’écran, le classement change constamment et les angles de caméra sont eux aussi extrêmement mobiles, mus apparemment par le hasard. Inconvénients auxquels Zwift affirme avoir remédiés. La plateforme aurait travaillé pour offrir un flux plus propre et plus simple. Reste à voir à quoi ressemblera le produit final.
Des étapes de 1h
Quant à la course, c’est vraiment une inconnue totale. Les étapes, qui durent environ une heure, sont bien plus courtes que les courses réelles, qui peuvent prendre jusqu’à six heures. Ce qui veut dire que l’intensité physique sera plus élevée, avec moins d’opportunités au niveau des échappées.
Par ailleurs, les courses virtuelles précédentes se sont généralement déroulées sur des sites légèrement plus réduits et surtout les grands noms du cyclisme étaient nettement moins nombreux. Nul doute que la présence de coureurs de haut niveau, après une longue période en stand-by, va créer pas mal d’action !
Reste que les coureurs vont se retrouver dans un environnement presque totalement étranger pour eux. « On est vraiment dans une autre dimension », a déclaré Kiel Reijnen, coureur de Trek-Segafredo, inscrit pour plusieurs étapes. « J’avoue que ça a été un sacré choc pour moi lors des premières courses Zwift. Il y a là des nuances qui demandent vraiment de l’expérience, et la plupart d’entre nous n’en ont pas beaucoup », dit-il, « les pros s’entraînant presque exclusivement en extérieur ».
Contrôler sa position virtuelle
La stratégie dans les courses virtuelles est similaire à celle des courses sur route, selon Holden Comeau, le meilleur coureur de Zwift et membre de l’équipe virtuelle Saris-The Pro’s Closet. « Tout est transférable », dit-il. « Cependant, il est très difficile de maîtriser le jeu suffisamment bien pour l’exécuter. » Les éléments tactiques comme le contrôle de votre position dans le pack numérique sont différents de la course réelle ; c’est une compétence avancée, spécifique au numérique, qui prend du temps à maîtriser. Les coureurs doivent anticiper et réagir aux changements de terrain d’une manière totalement nouvelle, sous peine de se faire larguer. « Lorsque vous êtes éliminé du groupe principal de Zwift, il est difficile de vous y remettre », explique Dygert. Dans le monde réel, un écart de deux longueurs de vélo se creuse et on se dit : « Oh, ça va revenir ». Pas sur Zwift.
Sans compter, qu’avec le report des courses dans le monde réel et la difficulté pour les coureurs d’adapter leurs programmes d’entraînement à un calendrier pour le moins incertain, les niveaux de forme physique varieront considérablement, un problème encore aggravé par les fuseaux horaires et la topographie. Certains coureurs vont pouvoir courir à une heure confortable, en milieu de journée, quand d’autres seront contraints de prendre le départ tôt le matin ou plus tard le soir. Certains seront au niveau de la mer ; d’autres, comme Bernal, qui vit en Colombie et court en altitude, seront comparativement désavantagés.
Tout cela pourrait produire des résultats surprenants. Dygert, championne du monde de contre-la-montre en titre, a récemment participé sur Zwift, au « Joe Martin », course virtuelle en trois étapes. Et elle a été battue à plates coutures dans la première étape, un contre-la-montre de cinq kilomètres, malgré sa longue expérience de la course virtuelle. « J’avais pourtant la même puissance que d’habitude, mais je pense que mes concurrentes étaient plus fortes que moi ce jour-là », explique-t-elle. Puis, le lendemain, lors de la deuxième étape, une panne d’électricité a brutalement coupé son accès Internet, mettant fin prématurément à sa course !
Bref, que la puissance des coureurs ou celle du courant électrique soit en cause, préparez-vous à voir de grandes stars tomber rapidement si elles ne se sont pas préparées à cette épreuve hors normes … et à voir briller des coureurs nettement moins connus.
Et tout ce dont peut être sûr, c’est que pour ce premier Tour de France virtuel, il faut s’attendre à toutes les surprises.
Les 6 étapes du Tour de France Virtuel
- Samedi 4 juillet, étape 1 : Nice, 36,4 km (4 x 9,1 km, étape de montagne)
- Dimanche 5 juillet, étape 2 : Nice, 29,5 km (682 m de dénivelé positif, étape de montagne)
- Samedi 11 juillet, étape 3 : Nord-Est de la France, 48 km (étape sur le plat)
- Dimanche 12 juillet, étape 4 : Sud-Ouest de la France, 45,8 km (2 x 22,9 km, étape vallonnée)
- Samedi 18 juillet, étape 5 : Étape de montagne, 22,9 km (arrivée au Chalet-Reynard)
- Dimanche 19 juillet, étape 6 : Paris Champs-Elysées, 42,8 km (6 tours du circuit)
L’Étape du Tour de France aussi en virtuel !
Chaque année, l’Étape du Tour de France offre aux cyclistes amateurs l’opportunité de vivre une partie de l’expérience du Tour sur l’une des étapes de montagne. L’Étape du Tour de France Virtuelle n’échappera pas à la règle et permettra aux passionnés de cyclisme de se mesurer sur les mêmes routes que les professionnels. Les trois Étapes, toutes différentes, se dérouleront sur chacun des trois week-ends de juillet, en même temps que les coureurs pros.
Les 3 étapes de l’Étape du Tour de France Virtuelle (16 sessions ouvertes au public, organisées chaque week-end)
- 4 et 5 juillet, Étape 1 : Nice, 29,5 km (682 m de dénivelé, étape de montagne
- 11 et 12 juillet, Étape 2 : Sud-Ouest de la France, 45,8 km (2 x 22,9 km, étape vallonnée)
- 18 et 19 juillet, Étape 3 : Étape de montagne, (22,9 km, arrivée au Chalet-Reynard)
Pour en savoir plus sur le Tour de France Virtuel, c’est ici
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