Fin juillet, lors de son passage à Chamonix, Alex Honnold, rendu mondialement célèbre par son ascension d’El Capitan en free-solo, a pris un jour “off” dans une via ferrata… sans équipement. Jusque-là rien de gênant, si ce n’est qu’il a publié une photo de son « exploit » sur Instagram, compte suivi par plus de 2 millions de followers pour qui cette pratique n’a rien de banal. Alex Honnold aurait-il oublié qu’il est un grimpeur professionnel largement médiatisé ? A-t-il bien mesuré l’impact de son post ?
« En tant que non-grimpeur, j’ai dû chercher la définition de via ferrata » peut-on lire dans les commentaires sous la publication Instagram d’Alex Honnold, où voit le grimpeur pro évoluer sans aucun équipement. C’est dire le niveau d’escalade de certains des followers de la méga star du free solo. Or, si la via ferrata, activité ludique et familiale largement pratiquée par un public amateur, offre une progression facilitée en paroi, elle exige un minimum de préparation. Pour preuve, l’intervention récurrente des secours intervenant pour sauver de parfaits débutants partis « en touristes », sans casque ni baudrier. Cette pratique est donc loin d’être « très peu risquée », quitte à contredire ce qu’exprime le grimpeur dans son post.
Alors, la via ferrata c’est quoi ? C’est un itinéraire en paroi offrant une sécurité optimale grâce à une ligne de vie, une main courante sur laquelle les pratiquants s’auto-assurent avec une paire de longes. En résumé, en plus d’une connaissance des techniques de progression, trois éléments sont indispensables à avoir avant de s’engager sur ce genre de parcours : un baudrier, des longes et un casque. Bref, la via ferrata, une pratique sans grand danger si l’on respecte les règles de sécurité et si l’on reste conscient de ses capacités… Ce qui ne semble pas être le cas de tout le monde.
Les interventions des secours s’enchaînent en effet chaque été. La plupart auraient pu cependant être évitées, notamment celle de ce jeune grenoblois qui, ce week-end, s’est aventuré dans la cascade de l’Oules à Crolles (38), un itinéraire fermé (sic!) sans aucun équipement de sécurité. Bloqué, il s’en est tiré au prix d’une grosse frayeur, mais seulement grâce à l’intervention des CRS des Alpes et de l’hélicoptère de la Sécurité Civile qui ont sans doute apprécié !
Banalisation du risque
Même si les inconscients ne sont pas tous inspirés par Alex Honnold, loin de là, faire une via ferrata en solo, ce n’est pas comme gravir El Capitan ni même les Drus (réalisé également en solo fin juillet mais dans la plus grande discrétion cette fois) ça semble accessible ! La preuve en est : Alex Honnold, accompagné de l’alpiniste et réalisateur Renan Ozturk, y est allé sur un coup de tête… contrairement aux deux ans de préparation qui lui ont été nécessaires pour le Yosemite.
Rappelons que sur Instagram, Alex Honnold n’est pas seulement un très bon grimpeur, c’est un influenceur, qu’il le veuille ou non. En gros, de par son statut, il peut être le relais d’une opinion et peser, même de manière indirecte, sur les comportements de ses followers. Quand on est suivi par plus de 2 millions de personnes, on ne peut plus sous-estimer son impact. Soulignons également qu’il s’adresse majoritairement à des néophytes qui l’ont connu grâce à son film « Free-Solo » oscarisé en 2019, désormais disponible sur « Disney Plus », chaîne câblée on ne peut plus familiale. Bref, n’est pas Alex Honnold qui veut.
Pour donner une idée de l’influence du héros de Free Solo, rappelons qu’Adam Ondra, quasi-inconnu des novices, mais considéré comme le meilleur grimpeur au monde par les pratiquants de l’escalade, ne compte « que » 700 000 folllowers sur Instagram. Ce qui nous fait dire qu’en comparaison, Alex Honnold est suivi par une majorité de fans ne connaissant rien aux sports liés à l’escalade qui pourraient bien être tentés de se lancer eux-aussi en solo dans une via ferrata, pour suivre les pas de leur idole. Grimpeur pro qui, par ce post sans doute hâtivement publié, semble banaliser le risque – une notion très relative au demeurant. En s’adressant sur les réseaux sociaux à une énorme audience peu ou pas avertie, le grimpeur professionnel envoie donc le mauvais message.
Besoin d’un rappel sur les règles de sécurité en via ferrata ? C’est par ici.
Photo d'en-tête : Alex Honnold