La température annuelle moyenne dans les Pyrénées a augmenté de 2 °C depuis 1970, contre 1,2 °C en plaine. Mais la baisse de l’enneigement n’est pas la seule conséquence dans ce massif longtemps dépendant des activités minières : on constate en effet une augmentation des inondations dues au dérèglement climatique, qui libèrent les métaux lourds stockés dans les tourbières. De multiples conséquences pour la santé humaine et animales sont à craindre.
Les écosystèmes de montagne fournissent un apport vital à l’humanité. Les montagnes séquestrent le CO2, fournissent de l’eau et de l’air propres, et régulent les crues. Dans le monde entier, elles offrent de quoi subsister à plus de la moitié de l’humanité. Or le dérèglement climatique est particulièrement prononcé en montagne. Le relief très développé des chaînes favorise l’existence de nombreux microclimats, écosystèmes et habitats pour différentes espèces, dont un grand nombre ne vivent qu’en montagne.
Les régions de haute altitude sont susceptibles de se réchauffer beaucoup plus rapidement que les plaines. On a ainsi observé un réchauffement de 0,57 °C par décennie dans les Pyrénées, alors que ce taux n’est que de 0,18 °C dans les plaines françaises. S’il est difficile de prédire avec précision les hausses de température en montagne, on estime que la température annuelle moyenne dans les Pyrénées a augmenté de 2 °C depuis 1970, contre 1,2 °C en plaine. Cette différence ne fera que s’accentuer à l’avenir.
La hausse des températures dans les régions montagneuses influe sur le taux d’enneigement. Elle accélère la fonte des neiges, le recul des glaciers, les réactions biochimiques telles que la photosynthèse chez les plantes et de nombreux processus biologiques et écologiques. Parmi eux, la décomposition et la sédimentation, la minéralisation du carbone organique, ou encore la croissance des organismes. Elle réduit notamment l’intervalle entre l’éclosion des œufs et la métamorphose chez les grenouilles.
La qualité de l’eau douce menacée
On peut ainsi prédire avec précision que les hausses de température en cours entraîneront de profonds changements écologiques, déstabilisant les écosystèmes de montagne.
Les montagnes européennes ne sont pas les paysages idéaux lointains et vierges que nous imaginons souvent, et beaucoup montrent des signes d’activités humaines séculaires. Dans les Pyrénées, les activités minières ont en grande partie cessé, mais elles se font toujours sentir, sous forme de pollution continue aux métaux lourds. On constate en effet une augmentation des inondations dues au dérèglement climatique, qui libèrent les métaux lourds stockés dans les tourbières.
Dans le même temps, les polluants organiques toxiques sont transportés des basses terres vers les écosystèmes montagneux par voie atmosphérique (évaporation, formation de nuages, vent et précipitations) mais aussi par des activités locales telles que l’utilisation de produits répulsifs par les agriculteurs et les touristes.
Enfin, les espèces de poissons introduites dans les lacs de montagne génèrent des niveaux élevés de mercure, connu pour ses effets négatifs sur le système nerveux des animaux et des êtres humains.
L’introduction de poissons en montagne provoque également un processus d’eutrophisation, qui gorge les réseaux hydrographiques de nutriments. Conjugué à l’augmentation des températures, ceci entraîne une prolifération d’algues et fait baisser le taux d’oxygène dans les cours d’eau. Les algues en question diffusent aussi des poisons connus sous le nom de cyanotoxines, à des concentrations suffisamment élevées pour provoquer des maladies chez les animaux et les êtres humains.
Le dérèglement climatique en montagne fragilisera les écosystèmes d’eau douce en aval, qui constituent une importante source d’eau potable. On sait que la qualité de l’eau a déjà diminué mais il est difficile de détecter l’ensemble des molécules toxiques dans les échantillons d’eau, et la quantité exacte de toxines dans l’eau potable reste donc indéterminée.
Sauver nos montagnes par un changement en profondeur
Étant donné que notre santé est inextricablement liée à celle des animaux et de l’environnement, il importe de prendre conscience que les Pyrénées et beaucoup d’autres chaînes de montagnes ne sont pas aussi saines que nous le pensons généralement, et qu’elles pourraient à plus ou moins court terme ne plus nous fournir l’eau potable, l’air pur et les autres apports écosystémiques dont nous avons besoin.
Il faut donc repenser la manière dont nous traitons ces écosystèmes de montagne. C’est pourquoi beaucoup d’observateurs, y compris la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique pour la biodiversité et les apports écosystémiques, appellent à un « changement en profondeur », une notion qui se substitue à celle de développement durable.
Si le « changement en profondeur » va beaucoup plus loin que le développement durable, c’est que nous avons attendu trop longtemps pour faire de petits pas vers un avenir durable et que nous devons à présent faire des progrès beaucoup plus importants.
Ces progrès sont susceptibles d’affecter un grand nombre de personnes. Nous devrons réduire considérablement notre mobilité, modifier nos habitudes alimentaires (en réduisant ou en supprimant entièrement la viande de notre alimentation) et abandonner de nombreux produits de la vie moderne.
Dans le cas des Pyrénées, ce changement en profondeur pourrait se traduire par une restriction de l’accès aux sites fragilisés pour les touristes et les agriculteurs, une réduction de la taille des troupeaux de moutons et de vaches, et une interdiction des insectifuges vétérinaires et humains en montagne.
Pour être efficace, le changement en profondeur devra conduire à une transformation de nos modes de vie, dans tous les domaines. Notre société doit s’adapter pour sauver les montagnes et les apports essentiels qu’elles nous procurent.
Cet article, soutenu par l’Axa Research Fund. Il est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Photo d'en-tête : Thieury- Thèmes :
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