Finie la voile traditionnelle. Dehors le dériveur de Papa, le catamaran de Papi et le surf Malibu de votre beauf. Désormais si vous voulez être raccord avec votre époque, il ne vous suffit plus « d’aller à l’eau », il faut « voler au-dessus ». Mais pas de panique, ces sensations incroyables se démocratisent. Vous y aurez accès dès cet été, explique notre journaliste, Pierre Le Clainche, navigateur professionnel.
Montée d’adrénaline garantie ! La sensation de vitesse mêlée à celle du silence sont juste incroyables. Il y a cinq ans, j’ai franchi le cap : essayer les nouveaux supports volants sur l’eau destinés d’abord aux navigateurs confirmés puis au grand public. Depuis, l’addiction est toujours aussi présente et de nouveaux ovnis ont colonisé les plages du monde entier, tous supports confondus : stand up paddle, kitesurf, dériveur, catamaran, surf et même bateaux à moteur. Bref, tout le monde s’y met et l’essor de ces nouveaux jouets a même permis à certains supports tel que la planche à voile de relancer un marché en baisse.
L’accélateur ? La Coupe de l’America
D’où vient cette « mode » ? Depuis tous temps, l’homme n’a cessé d’essayer d’aller toujours plus vite; le milieu nautique n’y fait pas exception. Les Anglo-Saxons dès la fin du 19ème siècle puis Éric Tabarly à la fin des années 70 avaient déjà essayé de faire voler des engins sur l’eau. Faute d’investissements et de moyens suffisants, les quelques embarcations volantes restaient des prototypes à la durée de vie limitée et au vol marginal. En 2013, pour préparer la 34ème Coupe de l’America sur des catamarans, plusieurs équipes bien aidées par leurs mécènes vont servir d’accélérateur d’innovation dans le milieu de la voile, à l’instar des Formule 1 développant des technologies de pointe réutilisables plus tard pour le grand public. Pour gagner cette coupe, il fallait trouver comment voler. Et quand on veut (et qu’on a beaucoup d’argent), on peut ! Larry Ellison, le mécène de l’équipe américaine Oracle Team USA, qui pèse accessoirement aujourd’hui 62,5 milliards de dollars, mit au point avec ses ingénieurs des systèmes permettant de voler de manière stable. Le mano à mano épique entre les Américains et les Néo-Zélandais poussa chaque équipe à se dépasser et à se creuser la tête pour remporter l’aiguière d’argent.
Comment ça fonctionne ?
Voler sur l’eau, c’est simple, à condition d’avoir un « bras de levier » dessous suffisamment fort et une vitesse suffisamment élevée. En fait, la question revient à « comment fait-on décoller un avion ? ». Tant que la vitesse minimale de décollage n’est pas atteinte, l’avion reste collé au bitume. Idem pour les voiliers, surfs, stand up paddle et catamarans. La clé est d’atteindre la vitesse cible et donc de générer de la puissance. En surf, c’est un grosse vaque qui déclenchera de la vitesse et fera s’élever la planche. En voile c’est une risée ou du vent suffisant fort et si possible un plan d’eau plat. L’absence de vagues facilite la prise de vitesse, tout comme les avions décollent généralement sur des pistes propres, longues et plates, rarement sur des champs de bosses.
Ce qu’on appelle le « foil » représente l’aile du bateau ou de la planche, comme celle d’un avion. Sauf qu’elle est immergée dans l’eau. Un avion sans ailes restera cloué au tarmac tout comme le dériveur qui ne volera pas sans ses foils. A l’instar des ailes d’avion, les foils ont des volets permettant de faire passer les flux d’air ou d’eau davantage d’un côté ou de l’autre pour monter ou descendre. Mettez votre main par la fenêtre sur l’autoroute et vous comprendrez qu’en fonction de l’incidence de cette dernière, votre bras va monter ou descendre. Le foil pousse dans l’eau et élèvera donc la planche ou le bateau selon le même principe.
Est-ce difficile ?
Pas du tout, ou presque pas. Quand on voit à quelles vitesses ont évolué les techniques et le matériel en cinq années, on ne peut qu’être optimiste. D’autant que les constructeurs, poussés par ce nouveau marché, rivalisent d’ingéniosité pour démocratiser leurs matériels. La concurrence aidant également à faire baisser les prix, le vol devient accessible et les supports disponibles dans les écoles de voile et de surf. On peut apprendre directement le vol sans nécessairement passer par la case « archimédienne » de la voile traditionnelle. Certains jeunes débutent directement en Moth, sorte de petite libellule de carbone de trente kilos capable d’aller à cinquante kilomètres par heure. Côté paillettes et sans voile, Kay Lenny et Laird Hamilton, deux stars du surf, ont admirablement rendu la discipline du surf à foil onirique et majestueuse au travers de leurs vidéos.
De l’initiation aux circuits pros
Beaucoup de circuits de compétition à la voile sont passés en mode « volant ». Il y en a pour tous les gouts et pour tous les usages, du petit solitaire au grand catamaran en passant par les bateaux du Vendée Globe, tous ont adopté les foils pour aller plus vite. François Gabart détient le record du tour du Monde en solitaire sur un trimaran géant à foils. Étant pratiquant d’un de ces supports, le Flying Phantom, je peux confirmer que la dose d’adrénaline est forte et intense et que la voile arrive à un tournant de son histoire. Les nouveaux supports d’initiation se développent à un rythme effréné parmi lesquels l’UFO, le Foiling Dignhy, le OneFly, le Befoil et le Waszp. Les stand up paddle, les surfs et les planches à voile volent tous au-dessus de l’eau et nombre de loueurs proposent déjà leurs jouets à la location. Alors cet été, pas d’excuse pour ne pas découvrir une nouvelle sensation de glisse complément atypique et terriblement addictive.
Photo d'en-tête : Kai-Lenny-Naish-- Thèmes :
- Foil
- Kitesurf
- Stand Up Paddle
- Voile