Qui ne s’est jamais senti aigri en faisant défiler les photos d’un ami en train de mener la belle vie à l’autre bout du monde ? La réalité est pourtant souvent loin d’être aussi glamour, surtout quand on voyage seul, estime notre journaliste Liz Carlson.
Quand j’ai commencé à voyager, il y a une dizaine d’années, je l’ai fait toute seule. Pas parce que c’était à la mode, ni dans le but de “me trouver”, mais tout simplement parce que je n’avais réussi à convaincre personne de m’accompagner.
Aujourd’hui, une minute sur Instagram suffit pour trouver des centaines de selfies de voyageurs prenant la pose parfaite au meilleur moment de la journée dans un endroit paradisiaque. Avec un message subliminal : voyager seul c’est facile, glamour et merveilleux. Oui, mais non. En vrai, il y a des jours où l’on se retrouve à dormir à même le sol dans les aéroports, les bras serrés autour de son sac pour ne pas qu’il s’envole, d’autres où l’on est malade sans personne pour veiller sur soi. Voyager seul implique de prendre des risques, c’est parfois dur, et encore plus souvent pas glamour pour un sou. Mais cette réalité là, les soit-disant influenceurs n’aiment pas en parler car ce n’est pas très vendeur.
Le pire moment quand on voyage en solo ? Probablement quand on tombe malade. C’est dans ces moments-là qu’on rêve que SOS Médecins existe partout dans le monde et qu’on se dit qu’il faudrait inventer un système de livraison à domicile de médicaments. Il n’y a rien de pire que de se traîner hors de son lit avec une grippe intestinale, pour enfourcher son scooter et aller acheter les remèdes prescrits par un médecin avec lequel on a vaguement réussi à communiquer, le tout au fin fond de l’Asie du Sud-Est. Il faut en passer par là avant de comprendre l’importance d’avoir toujours avec soi une petite trousse à pharmacie universelle. Et puis, rien de tel pour se faire de nouveaux amis que de partager sa réserve de médicaments avec son voisin de dortoir désespérément en quête d’Imodium.
Autre source de nombreux problèmes du voyage en solo : ne pas avoir d’interlocuteur auquel exposer ses plans farfelus. Quelqu’un qui se saisisse de l’idée brillante qu’on vient d’avoir (“je dormirai dans ce minuscule aéroport à deux heures de la grande ville”) et la réduise en miette (“il va fermer pour la nuit et tu te retrouveras avec ton gros sac sur le dos et des dealers rôdant aux alentours en guise de compagnie”). Bref, de quoi éviter ces moments où on se sent vraiment seul au monde…
“Quand on ne peut plus que compter sur soi, on se débarrasse du superflu, et c’est alors qu’on est le plus à même de se connecter à l’autre”
Bien sûr, par définition, quand on voyage en seul, on est isolé. Mais ce n’est pas systématique : je rencontre bien plus de gens dans ces conditions que je ne le ferais autrement. Mais cela nécessite des efforts, et c’est souvent juste au moment où j’ai l’impression de maîtriser totalement le voyage en solo qu’il m’arrive quelque chose qui me fait prendre conscience tout d’un coup de ma solitude. Comme quand je suis sur le point de réaliser mon plus grand rêve, celui de nager avec des requins, et que je ne peux pas le faire car il faut absolument être deux. Sans parler bien sûr de toutes ces fois où je me retrouve seule dans des endroits vraiment romantiques, comme les Maldives. Combien de fois ai-je enlevé rageusement de mon lit les pétales de rose soigneusement arrangés en forme de coeur. Bon, en général, il y a au moins une bouteille de champagne pour compenser et me tenir compagnie.
Sortir de sa zone de confort
Dans mon cas, la solitude se fait généralement sentir à l’heure du dîner. Quand il n’y a que des groupes et des couples autour de soi, on peut vite devenir un peu rageux. Pour faire bonne figure, j’apporte en général un livre avec moi, et je m’efforce de sourire et d’échanger des regards avec d’autres clients à l’air sympa. Quand j’y parviens sans avoir l’air d’une folle, les gens assis à une table voisine ont tendance à engager la conversation. Une autre solution est de s’asseoir au bar pour dîner. Rien de tel pour attirer d’autres voyageurs solo et, dans tous les cas, on peut toujours parler avec les barmen, qui ne crachent pas sur un peu de compagnie.
Pour être honnête, la solitude en voyage se contourne. En s’inscrivant à un cours de cuisine, en faisant du couch-surfing ou en partageant un dortoir ou un logement, on trouve tout de suite des occasions de faire des rencontres. Quand on ne peut plus que compter sur soi, on se débarrasse du superflu, et c’est alors qu’on est le plus à même de se connecter à l’autre. Il faut simplement être ouvert à la rencontre, et être seul est le meilleur moyen de s’obliger à sortir de sa zone de confort.
Une méthode positive, enfin, jusqu’à ce qu’on se fasse aborder par des mecs chelous qui posent plein de questions personnelles. Il existe mille façons de réduire les risques, et il y aura toujours une petite voix intérieure pour nous mettre en garde. J’ai dû mentir plus d’une fois et prétexter que mon compagnon était dans la salle de bain, ou bien dû dépasser mon hôtel pour ne pas que l’on sache où je logeais. Une chose est sûre : quand mon instinct sonne l’alarme, je ne réfléchis pas à deux fois avant de fuir aussi vite que possible.
Bilan : en voyage solitaire, les meilleurs moments restent majoritaires. Pensez juste à emporter avec vous une plaquette d’Imodium supplémentaire, ça ne peut pas faire de mal…
Photo d'en-tête : Michael Baron/Unsplash- Thèmes :
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