Annecy, c’est « leur » spot à Déborah, Olivia et Audrey. Mais au printemps dernier elles ont décidé de le découvrir d’une manière bien différente, et de nous embarquer pour un tour du lac plutôt (très) sportif.
“On a décidé d’aller rouler autour de chez nous.” Vous avez certainement lu ou vu un bon paquet d’articles et de vidéos commençant ainsi. Cette fois-ci, l’histoire est un peu différente puisque “derrière chez nous” coïncide aussi avec le plus gros massif montagneux du continent. Le programme allait donc être sportif. Pour éviter de se perdre sur les sentiers, il a fallu vagabonder sur une carte, connecter les sections connues et imaginer ce qui se cache sous les tracés violets inexplorés.
On trouvera toujours plus gros, plus exigeant ou plus extrême, mais l’objectif ici était de faire un tour du pâté de montagne et de saluer le propriétaire, le Lac d’Annecy. Au programme, 80km et environ 3000 mètres de dénivelé attendaient Déborah, Olivia et Audrey. Et d’ailleurs, qui retrouve-t-on au casting ?
Déborah Motsch : Débi, c’est cette amie qui est constamment à la recherche de nouveaux spots. Elle est prête à tout à vélo, sauf à abandonner sa glace en fin de sortie. Débi, c’est également une guide et prof de VTT, et une des fondatrices des “Bikettes”, association annécienne qui promeut la pratique VTT auprès des femmes.
Olivia Kemp : vous connaissez ce sentiment de bonheur après avoir guidé vos potes sur un de vos trails préférés ? C’est le job d’Olivia ! Depuis quelques années, elle accompagne des riders sur les sentiers du Beaufortain avec sa société Up’N’Down. Cette fois-ci, elle a troqué son vélo d’enduro pour une machine un peu plus légère et une journée qu’elle n’est pas près d’oublier.
Audrey Gianotti : Chaque troupeau a besoin de sa bergère. Et pendant son passage en Nouvelle-Zélande, elle a guidé des troupeaux de centaines de têtes. Depuis, Audrey a troqué sa salopette pour un t-shirt Sram mais c’est sans problème qu’elle a gardé Olivia et Débi dans le rang pendant toute cette journée, tout en s’assurant de les voir boucler ce projet en bonne santé.
Même pour un tracé “de la maison”, “à la maison”, le trio a vite réalisé que trois paires de jambes ne seraient pas trop et qu’être entourées de ses amies allait leur permettre d’attaquer cette aventure du bon pied.
Ajoutez à ça l’appareil photo de Paul Humbert et la caméra de Pierre Henni et le réveil pouvait sonner à 5h du matin. Il n’y a pas de “haute route” tracée autour du lac d’Annecy et au fil de la journée, chaque descente, chaque montée a su raconter sa propre histoire. Celle où tout va bien, celle qui paraît la plus dure, la plus fun et parfois la plus galère.
Plus qu’une petite aventure à vélo, ce tour du lac était surtout l’occasion de passer beaucoup de temps ensemble et de laisser se croiser les émotions pendant de longues heures. De la douleur au bonheur, du lever au coucher du soleil.
“J’avais cette journée en tête depuis l’été dernier, et tout l’hiver à ski de rando, je ne pouvais m’arrêter d’y penser”, nous soufflait Débi. Quand elle a présenté cette idée à Audrey, Débi n’a pas eu le temps de terminer sa phrase que le rendez-vous était déjà pris. Pour Olivia, une fois que les stops ravito étaient assurés, le tout était contresigné.
Les premiers coups de pédale sont donnés au bord du lac et sur les sentiers que Débi, Olivia et Audrey connaissent par coeur. Ce matin-là, tout semble pourtant différent et elles s’élancent sur le premier maillon d’une chaîne qui devra se refermer en fin de journée.
Chacune assume son rôle : Débi guide les troupes, Audrey vérifie que le ravitaillement en bananes est assuré et Olivia coche les étapes les unes après les autres sur un post-it déjà gorgé de sueur.
Il fait rapidement chaud, rapidement beau et les montées s’enchaînent.
Les descentes s’enchaînent aussi malgré de grosses pluies qui arrivent comme de véritables récompenses.
Annecy, le Semnoz, Saint Jorioz, Entrevernes, Doussard…
Eviter la route, c’est éviter le bruit, l’asphalte et les voitures.
C’est aussi s’assurer des montées moins paisibles mais se garantir des ravitaillement bien mérités et ô combien appréciés.
Parlons-en : il FAUT manger, et les poches de notre trio étaient bien chargées en début de sortie. On ne peut pas occulter non plus un des moments les plus sombres de la journée : la fermeture du chalet de l’Aulp, et surtout de sa cuisine…
C’est face à la perspective d’une tarte aux myrtilles qui s’envole qu’on juge le courage de ses amies mais nous n’avons pas entendu le bruissement d’un grognement.
Pour oublier cette sale histoire, le trio s’est lancé sur un des plus beaux sentiers au-dessus du lac d’Annecy. Dans un enchaînement d’épingles, de racines encore humides et dans un goulet dont on pourrait rêver la nuit.
Le lac… c’est probablement ce qui pouvait arriver de mieux à Audrey, Olivia et Déborah avant la dernière montée qui les attendait.
Montmin, le chalet de l’Aulp, Bluffy…
Plus la fin est proche et plus chaque coup de pédale est difficile. On voit presque le bout, presque… Et c’est à ce moment-là qu’on découvre que personne ne roule vraiment sur le sentier où notre trio s’apprête à monter. C’est à ce moment-là qu’on peut entendre les premiers grognements et les gouttes de sueur tomber par terre, entre deux bruits de chaussures qui glissent dans une terre lourde et chargée d’humidité.
C’est également à ce moment là que le ciel se charge et qu’on entend le tonnerre gronder. Mais c’est surtout à ce moment-là que vous pouvez compter sur vos amies et sur l’énergie qu’elles vous transmettent. La fin est proche.
Le col des contrebandiers, Annecy.
Il n’y a plus vraiment d’énergie en stock, mais tant d’adrénaline qu’Olivia, Audrey et Débi rejoignent leur point de départ et d’arrivée du petit port d’Annecy le Vieux d’un bon coup de pédale et sous la pluie battante au pied du col des contrebandiers.
À la pluie se mêlent quelques larmes de joies et de bonnes rasades des bières bien méritées.
Pour Débi, c’est une sensation étrange : “Je n’avais plus d’énergie mais je me sentais invincible.”
Olivia : « Je ne savais pas si mon corps pouvait encaisser autant, et encore plus dans une période si chargée de l’année pour moi. Mais mon petit cerveau n’a pas su dire non à la tentation de cette expédition. Je suis habituée à rouler avec ces deux filles et on se connaît par coeur. Voilà aussi une bonne raison de ne pas dire non, je leurs fais confiance. Je peux être grognon quand ça devient difficile, mais je n’ai pas eu envie de râler une seule fois pendant la journée, et je n’ai jamais eu envie d’être ailleurs. Donc voilà ma conclusion : mieux que la bouffe (et croyez moi, je sais de quoi je parle) et les boissons énergisante : l’amitié ! Partager ces journées en vélo entre amies, ça nous transforme en notre meilleure version de nous-même et on dépasse toute forme de limite qu’on s’impose. »
Débi : « Nous ne nous étions jamais lancées dans une aussi grosse sortie, et je ne savais pas si on allait être capables de la terminer. C’était vraiment un défi pour toutes les trois ! On a passé une belle journée au soleil, on était prêtes physiquement et mentalement et on a passé notre temps comme dans une bulle à profiter de chaque moment. On s’est aidées quand c’était nécessaire, et on a même eu droit à une douche à 5 minutes de l’arrivée. Au final, on l’a fait et je suis ravie d’avoir fait ça avec mes amies ! »
Audrey : « C’était une de ces journées où les planètes s’alignent et où on peut profiter de l’instant présent dans la bonne humeur. Il n’y a pas beaucoup de moments comme ça dans l’année et cette aventure était parfaite. En plus de ça, on a bouclé un tour qui n’avait rien de facile avec des longues montées raides, des singletracks techniques, du vrai VTT quoi. On s’en souviendra avec Débi et Olivia. Il n’y a pas de doute, on sait pourquoi on roule, pourquoi on passe tellement de temps à parler de vélos et à y investir notre vie. What’s next ? «
En une seule journée, Olivia, Débi et Audrey ont fait le tour de l’endroit où elles ont choisi d’élire domicile. Comme une réaction en chaîne, elles ont englouti toutes leurs sorties habituelles en une même boucle à la seule force de leurs jambes et de leur groupe. On ne choisit pas vraiment où on grandit, mais on peut choisir où on décide de vivre et laisser les montagnes qui nous entourent nous façonner. Trois VTTistes, trois femmes, trois amies et une seule question : à quand la prochaine ?
Article publié avec l’aimable collaboration de Vojo.
Photo d'en-tête : Paul Humbert