Ne lui parlez pas de Robert Redford ! Werner, alias «Wohli», Wohlwend est aux antipodes d’Hollywood. L’homme est « meneur ». C’est tout. Son métier : conduire des traineaux ou des calèches. De jour ou de nuit et par tous les temps. Comme on l’a toujours fait dans la vallée de l’Engadine, sa vallée natale. Un paradis pour les skieurs et les randonneurs en quête de nature et de silence. A mille lieux des lumières de Saint-Moritz et de Davos, deux autres hauts lieux du canton des Grisons, dans la Suisse orientale.
Pour trouver la ferme de « Wohli » Wohlwend et Gina, sa femme, il faut monter jusqu’à 1805 mètres d’altitude au village de Pontresina, au coeur du val Bernina, dans les Grisons. Situé à 7 km seulement de la très chic station de ski de Saint-Moritz, le site est bien connu des randonneurs. Mais ceux qui, l’été, partent à la découverte du superbe Val Roseg se doutent rarement que l’hiver y est souvent plus beau encore. Plus mystérieux surtout. Qu’on y accède en voiture – en montant du Val Bregaglia par la Malojapass, ou en venant de Coire et Lenzerheide par la Julierpass – ou en train à bord du Bernina, un train panoramique des Chemins de Fer Rhétiques, la surprise est la même au petit matin à la vue des dizaines de chevaux galopant en rond, s’enfonçant dans la neige. Plus d’une cinquantaine assurent en effet les promenades en « omnibus » ou en voiture à deux ou quatre places vers le lac Stazersee, le Val Roseg ou de Morteratsch. Mais ses montures, Wohli les connaît toutes par leur nom.
Des chevaux lourds et puissants
Le Suisse a grandi à Pontresina, à quelques centaines de mètres là. Le travail de la ferme, ça le connaît. Enfant déjà il donnait volontiers un coup de main aux fermiers, mais c’est la rencontre avec Gina, devenue depuis sa femme et son associée, qui a tout changé. Monitrice d’équitation, c’est elle qui assure les cours au sein du centre équestre. Tous deux ont entrepris de relancer l’élevage de chevaux de la race Burgdorf, un croisement entre de solides Ardennais et des Franche-Montagnes, l’unique race chevaline d’origine suisse subsistante. De puissants chevaux, bien adaptés à l’attelage, mais aussi à la randonnée en milieu montagnard.
C’est tout naturellement que Wohli a repris l’une des plus anciennes traditions de la région : l’attelage, en traineau ou calèche. Debout dès l’aube, toujours suivi de son chien Juma, le meneur commence et termine immanquablement sa journée par un tour d’inspection de ses chevaux. A chacun, une caresse et un encouragement avant de se mettre au travail dans des conditions parfois extrêmes. « En hiver, la température peut descendre en dessous de moins 20 degrés », explique Wohli. « Mais on ne doit pas s’empêcher de sortir pour autant. Au contraire, l’atmosphère devient encore plus mystique. » Fendre l’air glacé chaudement installé sous une couverture, semble en effet réjouir les visiteurs faisant une pause entre deux sorties de ski. Leur traîneau emprunte une petite route le long de l’Ova da Roseg, en direction de la vallée. Un paysage spectaculaire de forêts de pins et de mélèzes enneigés. « Avec un peu de chance, on peut même voir des chamois et des cerfs sur un traîneau », raconte Wohli.
Conduire le traîneau lui procure de belles sensations, explique-t-il, mais ce qui le fait vibrer, c’est les voitures à roues tirées par plusieurs chevaux, de 3 à 6 étalons ! Un « omnibus » de plus de 19 mètres de long et de 11,5 tonnes, pouvant transporter jusqu’à 30 passagers. Wohli s’est pris de passion pour cette tradition qui tend à disparaître dans la région. Mais ce n’est qu’après de longues recherches sur les calèches et diligences qu’il s’est lancé.
Plusieurs cochers l’ont rejoint afin de perpétrer ses techniques. Des vocations qu’il encourage fortement. « Le matin », explique-t-il « nous nous attelons au nettoyage et aux soins des chevaux avant de les harnacher et de préparer la voiture. Nous veillons à ce qu’ils soient assemblés de manière différente chaque jour, afin de répartir les charges, mais aussi de rendre unique chaque sortie, selon les humeurs et habitudes de l’attelage », précise le meneur, en resserrant un harnais afin de stabiliser le traineau, une belle pièce de cuir fabriquée par sa fille, Jessica. Passionnée elle aussi de chevaux, elle a rejoint la sellerie Adoro Leder. De ses mains sortent désormais des harnais sur mesure mais aussi des longes extra-longues destinés aux attelages de six chevaux, les préférés de son père.
Un passionné de glisse
Dans une autre vallée des Grisons, à Arosa, au fin fond de la vallée de Schanfigg, à 1800 mètres d’altitude, les traditions sont entretenues avec autant de ferveur mais dans un autre registre. Point de cheval ici, mais du ski. Cette station de sports d’hiver, parmi les plus traditionnelles de Suisse, compte 225 kilomètres de pistes. De quoi susciter pas mal de vocations, notamment chez les jeunes skieurs, plus que bienvenus dans la station. Chose rare, tous les enfants âgés de moins de 18 ans y bénéficient de cours collectifs gratuits auprès de l’École Suisse du Sport de neige. Seule condition, passer au moins deux nuitées dans l’un des hôtels ou appartements de vacances sélectionnés.
Résultat, chaque saison, 250 moniteurs de ski y travaillent, 220 000 heures de cours y sont dispensées et pas moins de 8000 médailles y sont remises lors des courses de ski pour enfants. Derrière cette impressionnante organisation, Noldi Heiz, 58 ans, depuis 22 ans à la tête de l’école de ski d’Arosa, la plus grande de Suisse. Les cours de ski gratuits, c’est à lui qu’on les doit, Mais aussi la crèche intégrée à l’école de ski, les offres sur mesure pour ceux qui souhaitent reprendre le ski ou encore la numérisation du système de réservation avec application pour les moniteurs. L’homme est partout et veille à chaque détail. Un vrai challenge quotidien.
Pour en savoir plus sur les activités outdoor en hiver dans le canton des Grisons, c’est ici.
Photo d'en-tête : Suisse Tourisme / Lorenz Richard