Il vient de remporter sa troisième victoire sur la Pierra Menta ce samedi 15 mars, en binôme une fois deux plus avec Xavier Gachet, son principal partenaire depuis bientôt dix ans sur cette course mythique. Pour cette quatrième et dernière étape – 14 km seulement, mais pimentés d’un fort dénivelé – William Bon Mardion était prêt aujourd’hui à « taper dans la balle un peu plus ». Et il l’a fait. Au plus grand plaisir de la foule massée au Col de la Forclaz. Preuve qu’on peut garder les bases du ski alpinisme et le rendre plus visuel, est convaincu le boss de cette discipline. Celui-là même qui, en janvier dernier, bras en croix, boycottait la coupe du monde pour dénoncer le massacre de la discipline, est plus remonté que jamais contre ceux, qui, dans le milieu, seraient « prêts à vendre leur mère pour garder leur statut d’athlète professionnel », nous confie-t-il.
Certes, la bataille a été belle ces quatre derniers jours à Arêches-Beaufort pour la 39e édition. de la Pierra Menta. Chez les hommes, les binômes Gachet – Bon Mardion (1er) et Jacquemoud – Equy (2e), deux paires au-dessus du lot cette semaine dans le Beaufortain, ont assuré le spectacle et maintenu jusqu’au bout le suspens. Pour le plus grand plaisir du public venu en masse. Certes, chez les femmes, Axelle Gachet-Mollaret et Lorna Bonnel se sont imposées haut la main, mais malheureusement sans pouvoir se confronter à des adversaires à leur mesure. Deux podiums tricolores, donc. On peut s’en réjouir, ou, au contraire s’en inquiéter un peu, comme le fait William Bon Mardion. Interviewé hier à l’issue d’une très belle troisième étape remportée avec Xavier Gachet, son inséparable coéquipier, il ne cachait pas sa déception de voir que cette année beaucoup d’athlètes de haut niveau manquaient à l’appel sur cette course mythique.
« Il va falloir rééquilibrer le planning des courses »
« C’est sûr qu’il y aurait pu avoir beaucoup plus d’athlètes à à la Pierra Menta », regrette le champion du monde 2013 (en individuel et en équipe), vainqueur de l’épreuve cette année encore. « Mais le planning des courses a été mal fait. Il y a une Coupe du Monde qui se tient en même temps [du 13 au 15 mars].Une Verticale Race, et un sprint de deux à trois minutes. C’est l’épreuve qui va être olympique, et toutes les nations et une bonne partie des athlètes sont ciblés sur ce format-là.
Si c’est un hasard ? La Pierra Menta, c’est sa 39e année et ça a tout le temps été le deuxième week-end de mars. Il n’y a pas de mystère. Tous les autres organisateurs le savent. Ils auraient dû en tenir compte pour éviter ça. Mais ils ont fait abstraction de la Pierra Menta. C’est quelque chose qu’il faudra rééquilibrer dans les années à venir pour que tous les athlètes puissent participer à tout, sans que ça fasse défaut à l’un comme à l’autre. Car cette année, il y avait également la Sellaronda, une course très populaire aussi en Italie. Pas mal d’athlètes qui vont d’habitude à la Pierra Menta ont fait le choix de la Sellaronda cette année. Résultat, on a un triple problème. Et là, on se retrouve aujourd’hui avec une Coupe du Monde de Vertical race où Axelle Gachet–Mollaret n’est pas. Donc, quelle valeur a cette course, en sachant que la meilleure du circuit sur ce format-là ne prend même pas le départ, pour privilégier la Pierra Menta ?
« Certains athlètes ont peur de perdre leur statut »
(…) Du côté des coureurs, j’ai l’impression que certains vendraient leur mère pour avoir un statut de sportif professionnel. Car le format olympique, les fédérations, les nations mettent les moyens sur cet événement-là. C’est là que vont les budgets. Donc, si tout le monde met les bras en croix comme moi, il y en a plein qui vont perdre leur statut. C’est pour ça qu’ils ferment les yeux devant le format qu’ils nous ont proposé en Andorre, quitte à ce qu’on détériore la nature même de notre sport. Ils ne disent rien. C’est malheureux !
(…) On en discute entre nous, et il y a une bonne partie des athlètes qui sont d’accord, c’est ce qu’ils nous disent à nous quand on en parle comme ça. Mais ils ne veulent pas perdre leur statut de sportif de haut niveau professionnel qui ne tient que sur du sprint et du relais.
« Déjà une grosse amélioration avec la couverture du direct »
« Le CIO veut quelque chose de plus simple à filmer, de plus carré, plus en stade. C’est vrai que ce n’est pas notre sport ! Donc il faut garder les bases de notre discipline, tout en essayant de la rendre télévisuelle. C’est possible, bien sûr ! Vous avez vu les images d’aujourd’hui ? [ 3e étape de la Pierra Menta ]. Ce sont des images qui sont différentes de tout ce qu’on peut voir dans le sport hivernal de ski, que ce soit du ski de fond, du biathlon, du ski alpin, où ne voit que des pistes, des filets… Là, c’est complètement autre chose !
La Pierra Menta prouve bien qu’avec des étapes de 33 km, on arrive à couvrir trois heures de course. Alors, sur une course individuelle, qui dure 1 h 15 –1 h 20, on doit pouvoir réussir à le faire sans problème. J’ai beaucoup de copains qui sont droite à gauche, qui sont au boulot et qui ne peuvent pas être sur place. Ils sont tous derrière leur écran. Mais il faut que ça se sache [ l’existence du direct ], les organisateurs n’ont peut-être pas encore fait assez de pub là-dessus.
C’est la deuxième année qu’ils y travaillent. Il va falloir qu’ils aient un peu d’expérience pour améliorer leur direct et leurs cameras embarquées et faire des prises de vue un peu différentes avec des drones. Je ne suis pas caméraman ni metteur en scène, mais il y a moyen d’améliorer la couverture de l’événement, c’est sûr. C’est avec le temps qu’ils vont y arriver. Déjà, par rapport à l’année passée, il y a eu une sacrée évolution. Ca sera de mieux en mieux, d’année en année. Je pense que face au circuit de la Coupe du Monde qui ne présente que du sprint, de la verticale et du relais, les organisateurs ont une grosse envie de montrer qu’il est possible de filmer notre sport en pleine montagne et d’en tirer des images aussi attractives.
« Comme sur un Tour de France, le public de donne de l’énergie »
« Le public ? Ça donne de l’énergie, bien sûr !… C’est quand même quelque chose… C’est comme au tour de France. Quand ils passent un col, ils sont plus transcendés que quand ils zigzaguent dans les plaines où il n’y a que des champs de maïs de chaque côté ! Comme nous, quand on est dans la forêt où il n’y a personne. Forcément, sur les courses quand on fait, comme en marathon, une ligne droite où il n’y a personne, ça va être beaucoup plus monotone qu’une portion où il y a du monde tout le long. Avec le public, on retrouve cette énergie, comme sur un Tour de France. Et ça, ça fait du bien, carrément !
Le palmarès Masculin
- Xavier Gachet / William Bon Mardion
- Matheo Jacquemoud / Samuel Equy
- Anselme Damevin / Nadir Maguet
Le palmarès féminin
- Lorna Bonnel / Axelle Mollaret
- Katie Schide / Martina Valmassoi
- Thèmes :
- Pierra Menta
- Ski alpinisme