Grand prix du public du Festival International du Film et du Livre d’Aventure de La Rochelle en novembre dernier, « Beyond Prognosis » nous plonge dans l’univers mental de Yannis Pelé, 26 ans aujourd’hui, même pas 18 quand une violente chute en compétition met brusquement un terme à sa carrière de vététiste. Et, pire, à tout espoir de remarcher. Ce jour-là, son rêve d’enfant vole en éclats. Mais pas sa volonté. Mû par une inébranlable confiance dans sa bonne étoile, Yannis va braver tous les pronostics et entamer un long processus de guérison très personnel, étonnante démonstration du pouvoir du mental sur le corps. Un formidable documentaire de 52 minutes – à découvrir sur les plateforme VOD – dont Yannis nous livre la genèse dans un texte exclusif.
L’idée ne m’est pas venu durant ma période de rééducation, mais quelques années plus tard. Le souhait premier était d’essayer d’apporter à mon tour une forme de soutien comme j’ai eu la chance d’en avoir, ainsi qu’un message d’espoir pouvant aider certaines personnes dans le besoin.
Alors allongé dans mon lit d’hôpital, c’est un film que j’aurais aimé visionner.
C’est motivant et stimulant de pouvoir se référer à quelqu’un qui a pu vivre une situation similaire à la sienne. D’autant plus si cette personne parvient à récupérer.
Ce message a été entendu, bien reçu et a même apporté certaines réflexions à un public beaucoup plus large, au-delà du monde du vélo et du milieu outdoor.
Bien sûr, chaque cas est totalement unique et ce n’est pas parce qu’une personne récupère en mettant des méthodes spécifiques en place, qu’une autre pourra connaître la même récupération. Elle pourra être meilleure, comme moins bonne. Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu : l’accident, la zone de l’impact, les circonstances, la prise en charge, l’état d’esprit, le passé, l’hygiène de vie, le soutien, et j’en passe…
Même si le message que nous avons voulu partager au sein du flm n’est pas une solution miracle, nous osons espérer qu’il permettra d’apporter une dose de positivité, d’espoir et de motivation, tout en permettant une meilleure compréhension des capacités du corps humain et du cerveau au travers d’exemples concrets. Quelle que soit la finalité, c’est un état d’esprit qui ne pourra qu’être bénéfique pour le futur.
D’un point de vue personnel, je n’aurais jamais imaginé que ce film puisse autant m’apporter. Les gars de l’équipe de tournage sont devenus de vrais amis avec qui nous avons vécu des moments inoubliables. Cette complicité a très certainement joué en faveur du résultat final du film. Toute l’équipe du film, Alexandre Silva – réalisateur et Morgan Le Faucheur – co réal, ainsi que toutes les personnes impliquées dans ce projet ont su raconter mon histoire de la plus belle des manières, retranscrire les bonnes émotions en apportant un fond qui me reflète, tout en apportant des éléments de compréhension scientifique et concrets ainsi que des avis diversifiés très intéressants.
La réalisation d’un tel projet m’a aussi beaucoup appris et m’a donné l’envie de passer un cap, et de produire des projets plus longs, qui génèrent un tout autre regard sur ce que nous vivons, partager de belles aventures humaines et faire passer des messages qui nous sont chers. C’est un chapitre que j’aimerais ouvrir prochainement.
Au travers des nombreuses diffusions que nous avons pu faire, notamment en festivals, nous avons vécu des moments magiques, très touchants, ressenti beaucoup d’émotions, reçu une vague d’amour incommensurable, fait de magnifiques rencontres… Mais la plus belle chose que j’ai pu retenir, ce sont les retours très positifs des spectateurs, le fait de se sentir que le film est utile.
Beyond Prognosis a eu un réel impact positif et a touché des personnes d’horizons très divers, a réussi à offrir des élans de motivation chez certains, de l’espoir chez d’autres, de la réflexion, de la compréhension, du voyage, des larmes, des sourires, de l’adrénaline, des moments d’échange, ainsi qu’une énorme bouffée d’amitié et d’amour.
Au-delà de l’accident et de la rééducation qui sont abordés, ce flm est avant tout un message d’espoir, une dose de positivité et d’optimisme, puis un moyen d’amener à réféchir en mettant en avant le pouvoir de l’esprit. Il peut apporter une nouvelle perspective sur la manière d’appréhender certains aspects du quotidien en apprenant à vivre le moment présent à 100%.
J’espère, comme l’a si bien dit ma grand-mère dans le film, qu’il pourra apporter « sa petite goutte d’eau dans l’océan »…
Les différentes diffusions et les échanges qui s’ensuivent m’ont amené à mieux me connaître, à savoir qui je suis réellement, quelle est ma personnalité, mon caractère, … Aussi étrange que cela puisse paraître, je pense que je ne me connaissais pas en profondeur.
De nombreuses questions reviennent souvent à mon égard : Comment ai-je vécu ce moment ? Pourquoi ai-je réagi de cette manière ? Comment avoir eu la force de passer au-delà des prévisions des médecins ? Comment garder le moral ? Et tant d’autres…
Tant d’interrogations auxquelles je n’avais jamais réféchi, car tout s’était fait très naturellement pendant la période de rééducation. C’était pour moi une telle certitude de récupérer qu’il était totalement impossible et inconcevable d’imaginer une vie en fauteuil roulant. Je n’ai pas eu l’impression de devoir fournir un effort titanesque pour intégrer cet objectif dans ma tête. Je pense avoir pris l’accident plutôt « à la légère », sans me rendre compte réellement de la gravité de la situation. J’avais la fougue de la jeunesse, peut-être une part d’inconscience, mais surtout la force de me raccrocher à mes rêves en oubliant la réalité et en ayant une confiance absolue aux capacités du corps humain.
Mon amour pour la montagne, mes amis avec qui je passais la majorité de mon temps, ma passion pour le vélo qui était plus forte que tout, ainsi que mes années de compétition m’ont permis de me forger une force mentale. Celle d’être prêt à se battre, à se dépasser physiquement et mentalement, à donner le meilleur de soi-même et à mettre en place tout ce qui était possible sans ne rien laisser au hasard pour atteindre son objectif et gagner.
Cette fois-là, c’était une course avec moi-même, pour ma vie. Ce podium, c’était le mien. Cette première place, c’était le retour sur mes deux jambes, pour pouvoir continuer à rouler et à profiter des montagnes que j’aime tant.
J’étais prêt à tout pour grimper sur la première marche tel un robot obnubilé par une idée fixe : celle de remarcher et de remonter sur mon vélo. C’était ma seule idée en tête, je ne pensais qu’à ça, 24 heures sur 24.
Je n’avais aucune idée des capacités du mental à cette époque, mais lorsque Guillaume Néry et Fabien Barel m’en parlent et me conseillent de mettre en place une routine mentale assidue, je fonce sans hésitation.
La rééducation physique, je voulais en faire le plus possible, jusqu’à poursuivre les séances de rééducation dans mon lit tout seul ou avec l’aide de mes proches. J’estimais n’avoir pas de temps à perdre et que les séances sur le plateau avec les kinés ne suffisaient pas. Chaque seconde, chaque minute, chaque exercice, chaque mouvement supplémentaire me rapprochait de mon objectif et de mon rêve.
Avoir une bonne alimentation était également important. J’ai grandi avec cette idée et j’avais conscience de l’importance de celle-ci. J’ai eu la chance d’avoir mes parents et ma sœur qui ont pu préparer chacun de mes repas, au-delà de leur présence constante et si importante.
J’ai refusé l’apprentissage du fauteuil roulant et des différents moyens pour m’aider dans mon quotidien… Je préférais concentrer toute mon énergie dans la récupération de mes jambes, c’était pour ça que j’étais à l’hôpital. Et non pour m’adapter à une autre vie. Ma vie n’allait pas changer. Pour rien au monde.
Peu importe ce que l’on pouvait me dire, j’avais confiance en moi, aux capacités du corps humain, en cette machine incroyable qui est capable de réaliser tant de belles choses à partir du moment où on la pousse et qu’on lui donne les ressources nécessaires. J’avais la certitude de réussir. La certitude que la méthode mise en place était la bonne pour récupérer. Je prenais le positif de chaque situation.
Ce que j’ai pu voir à l’hôpital m’a appris et m’a permis de beaucoup relativiser sur mon cas et de garder cette positivité et cette joie de vivre au quotidien.
J’ai eu la chance d’avoir un soutien immense. Autant de ma famille que de mes proches : mes amis, la famille du vélo, des connaissances, des personnes sur les réseaux sociaux, … Ils m’ont porté au quotidien et j’en serai éternellement reconnaissant.
L’espace du centre de rééducation sous les pins, les chants des cigales et sa plage de sable blanc, est un cadre idyllique avec un air de vacances qui a fortement impacté ma récupération et mon moral, tout comme l’ensemble de l’équipe médicale avec des soignants kinésithérapeutes très impliqués.
Avec du recul, trois piliers importants ressortent et peuvent être mis en place durant une période post- accident et de rééducation : le pilier physique, le pilier mental et le pilier alimentaire. Ils permettront de mettre une grande partie des chances de son côté, de se créer une base solide, d’évoluer, de grandir, de ne rien regretter et d’appréhender chaque moment de la vie différemment.
On peut aussi ajouter celui du soutien qui est indispensable bien qu’il soit davantage un facteur chance que l’on ne contrôle pas totalement. Chaque patient n’a pas cette chance d’avoir des visites chaque jour, ses proches, sa famille et ses amis à ses côtés… C’est peut-être là qu’est une partie de ma Bonne Étoile !
« Tu as eu de la chance » est une réflexion qui revient parfois, que je peux comprendre. Mais il ne s’agit pas que de chance, même si bien sûr, il en faut. Notamment dans la prise en charge par les secours, leur rapidité d’action, l’excellence du chirurgien lors de l’opération, dans le soutien reçu et les personnes qui ont participé à la rééducation.
Mais dans un certain degré de gravité, où les professionnels de santé eux-mêmes, avec toute l’expérience qu’ils ont, restent très pessimistes à l’idée d’une quelconque récupération, espérer une grande récupération va au-delà de la chance.
Un travail important, assidu et millimétré permettant au corps de créer de nouveaux signaux est nécessaire et fait la différence. Ma routine mentale quotidienne alliait deux formes d’imageries différentes : celle de guérison et celle de mouvement. Les études menées aux côtés de scientifques dans le cadre du documentaire nous ont permis d’observer concrètement les bénéfices de coupler ces deux formes d’imageries et les différentes zones cérébrales activées durant ces visualisations.
Avec de la chance, une petite récupération est probablement possible, mais elle a ses limites. Même si nous n’avons pas le même patrimoine génétique et mental et probablement pas les même capacités de récupération, le corps humain est de nature « faignante » dans le sens où il cherche toujours à utiliser le moins d’énergie possible. C’est une forme de protection. Mais nous sommes toutes et tous capables de le pousser dans ses retranchements afin de permettre d’activer un maximum de ses ressources de récupération.
Maintenant, pourquoi ai-je eu cette ouverture d’esprit, cette force de passer au-delà des pronostics, cette capacité à ne rien lâcher, à rester positif et motivé ?
Il y a une part non explicable, probablement dû à la manière dont j’ai été accompagné par mes parents et à un caractère naturellement déterminé.
Mes parents m’ont toujours soutenu, apporté beaucoup d’amour et permis de faire ce que j’aimais en croyant en moi. Cette démarche a probablement développé inconsciemment une forme de confiance en moi.
Ensuite, le fait d’avoir grandi en montagne dans un petit village, en étant libre et en passant le plus clair de mon temps dehors avec les copains, m’a poussé à devenir autonome, m’a forgé une force de caractère et un amour profond pour le terrain de jeu qui nous entoure.
La compétition m’a apporté une rage de vaincre et de gagner en étant prêt à se dépasser physiquement et mentalement, en étant assidu dans l’entraînement, à développer une capacité à s’adapter à différentes situations en ne laissant rien au hasard dans le but de performer au mieux.
La passion peut être si forte qu’elle permet de faire des choses qui vont bien au-delà de nos attentes et de ce que l’on pensait être possible. Elle peut décupler notre force et nos capacités à aller de l’avant, peu importe les obstacles de la vie.
C’est souvent en vivant des moments difficiles (à tous les niveaux) que l’on se rend compte de la beauté de la vie, de la chance d’être debout et en bonne santé. Que l’on grandit, que l’on apprend à se connaître. Que l’on apprend à apprécier chaque instant simple, à profiter du présent à 100%, à relativiser et éviter tout ce qui peut être superflu et négatif. Que l’on profite encore plus intensément avec l’envie de faire ce que l’on aime vraiment.
Nous avons toutes et tous une force en nous que nous sous-estimons bien trop. Nous avons de grandes capacités et nous sommes capables de réaliser de grands projets, vivre nos rêves et être heureux.
Ce flm m’a beaucoup apporté, ainsi qu’à l’équipe de réalisation, mais il a surtout eu un réel impact auprès du public, bien plus que ce qu’on aurait pu imaginer. C’est probablement le plus beau cadeau et le meilleur
résultat que l’on pouvait espérer après toutes ces années de travail. Savoir que nos images, le message véhiculé et les mots de chaque personne présente dans le flm puissent tant apporter est INCROYABLE. Ce n’est que le début de l’aventure, la route est encore longue pour Beyond Prognosis.
Un immense merci et une grande pensée à Almo Film, Morgan et Franck Corbery qui ont cru au projet, à Alex (de son nom d’auteur Silvalex) de l’avoir écrit et réalisé avec tant d’implication, à Aubin Vaissiere, à Nicolas Natysniak, JB Casini, Morgane Stampfer, et à l’ensemble de l’équipe ayant travaillé avec passion, aux personnes présentes au sein du flm, à celles de l’ombre et à nos partenaires sans qui rien n’aurait pu être possible.
En espérant que nos images vous plairont, vous transporteront et que le message véhiculé puisse vous toucher et vous apporter quelque chose.
« Beyond prognosis » est disponible en VOD sur les plateformes classiques, notamment Canal+ et Apple TV.
Article publié le 9 janvier 2024, mis à jour le 13 janvier 2024.