Zegama, le nom de cette petite ville du Pays basque espagnol ne vous dit peut-être rien. Et pourtant, elle accueille chaque année l’une des courses de trail les plus mythiques. À l’origine de sa légende, l’ambiance indescriptible tout au long des 42 km du parcours. À peine remis de leur course, bouclée dimanche dernier, Amandine Ferrato, Thibaut Baronian – tous deux 3ème cette année – nous racontent ce qui en fait la singularité.
Comment se forge la réputation d’une course? Pour certaines c’est l’histoire. Aux Etats-Unis, la Western States 100 était à l’origine une course à cheval, jusqu’au jour où un participant eut l’idée de s’élancer sans sa monture. Pour d’autres c’est la difficulté de l’épreuve. L’exemple le plus célèbre étant sans doute la Barkley – 160 km très éprouvants dans le Tennessee – qui n’a connu que 15 finishers depuis sa création en 1986. Pour d’autres enfin, c’est l’ambiance. Et sur ce point, Zegama-Aizkorri est sans conteste la référence.
La ferveur du Pays basque
364 jours par an, la vie s’écoule sans bruit à Zegama, petite localité de 1 500 âmes, non loin de San Sébastian, dans la province de Guipuscoa. Et puis arrive ce jour – généralement fin mai – où les meilleurs trailers de la planète et des milliers de spectateurs s’y donnent rendez-vous pour une épreuve qui est aussi la première étape de la Golden Trail Series . “Au départ j’avais des frissons, l’atmosphère est vraiment particulière, le bruit assourdissant”, raconte la Française Amandine Ferrato. Elle y participait pour la première fois et s’était pourtant préparée psychologiquement : “je savais à quoi m’attendre, on m’en avait parlé, mais tant qu’on ne l’a pas vécu, on ne peut pas vraiment s’en rendre compte”.
La course démarre par un petit tour dans la ville, la foule est déjà dense, la ferveur extraordinaire, mais ce n’est que le début. Il reste encore 41 km à parcourir, dans un flux continu de spectateurs. La Française du team Hoka ne cache pas son enthousiasme : “Dès la première montée, à la sortie du village, le bruit est déjà impressionnant. On se dit que ça va s’arrêter, mais c’est comme ça jusqu’à l’arrivée !”.
Zegama-Aizkorri est dans la droite ligne des évènements sportifs et festifs au Pays basque, cette terre de passion n’attend qu’un prétexte pour s’enflammer. L’esprit du cyclisme, de la pelote et de la feria imprègne la course. “Cet engouement est porteur et presque angoissant à la fois. Ça paraît irréel, la gestion de l’effort n’en est que plus complexe”, conclut la Drômoise.
Sancti Spiritu : une montée mythique
S’il y a bien un symbole de cette fièvre locale, c’est la montée de Sancti Spiritu, surnommé parfois “l’Alpe d’Huez du trail”. Sans doute l’une des plus connues dans le milieu. Deux kilomètres de montée dure, raide et technique, truffée de cailloux et encadrée par près de 10 000 supporters.
Chaque année, des traileurs viennent dans la région simplement pour s’y frotter et comparer sur Strava leurs temps avec les stars: Kilian Jornet – vainqueur dimanche dernier pour la 9e fois (3h53) – ou le Norvégien Stian Angermun-Vik qui détient le record du segment, et de l’épreuve (3h45).
Thibaut Baronian, 3ème cette année et auteur du meilleur temps français de l’histoire (3h56’20’’), savait à quoi s’attendre puisqu’il était déjà de la partie en 2018. “On voit la foule au loin, on entend déjà le bruit, et puis on arrive au pied de la montée et là c’est indescriptible”. À l’image des cyclistes pendant l’ascension de l’Alpe d’Huez, les coureurs doivent se frayer un chemin parmi la foule : “On ne distingue même plus le sentier tant il y a de monde, on avance sans vraiment savoir où l’on va”. Amandine Ferrato ajoute “j’avais presque l’impression d’être saoule, il n’y a qu’ici qu’on vit ça”.
À l’image du Grand Mont sur la Pierra Menta, participer à la fête à Sancti Spiritu se mérite. Thomas Lorblanchet, ancien élite qui était présent en 2011, explique : “Pour rejoindre la montée, il faut faire au moins une heure de marche. Forcément, seuls les passionnés sont là”. Lui, qui est plutôt un spécialiste d’ultra, souhaitait malgré tout participer un jour à cette fête : “Zegama fait partie de la culture du trail, je voulais la découvrir, au-delà de la performance sportive”.
Zegama-Aizkorri est et restera un rendez-vous mythique. Si chaque année le plateau sportif est très relevé et la bataille pour la victoire féroce, c’est la ferveur populaire qui fait ici toute la différence.
Photo d'en-tête : Alexis Berg